Théâtre : Monkey Money

Dans une société qui a pris le parti d’enfermer riches et pauvres dans deux mondes séparés par un mur, une grande fête est organisée pour l’anniversaire de la Bee Wi Bank, un organisme de crédit appartenant à une riche famille. La fête bat son plein, le Vieux Grand Directeur de Tout se fait acclamer par une assistance chauffée à blanc par le jeune diplômé plein d’avenir qu’il vient de nommer directeur général. Pourtant un grain de sable va perturber la soirée. Un homme, venu du monde des pauvres, a réussi à franchir le mur et menace le Grand Directeur de s’immoler par le feu si celui-ci n’efface pas sa dette. Devant le refus de celui-ci, il demande à sa fille et seule héritière du groupe de s’occuper de sa propre fille après sa mort. Mais pourquoi écouterait-elle cet homme « qui lui parle d’humanité avec sa tête de chien » ?

Théâtre : Monkey Money
Théâtre : Monkey Money

Carole Thibaut a écrit la pièce et la met en scène. Ce qui l’a intéressée c’est ce monde où tout devient marchandise, où non seulement les choses mais aussi les hommes et leurs sentiments s’achètent et se vendent. Dès le début une voix insistante dit « Achète-moi, tu paies et tu disposes, je te donne les mots que tu veux, etc… ». Et dans notre société il n’est nul besoin d’un mur pour séparer les riches des pauvres, ils vivent dans deux mondes différents. La première partie de la pièce peut se voir presque comme une description sociologique du monde de l’entreprise et des patrons, un monde où le règne de la marchandise a écrasé toute humanité. La seconde nous entraîne de l’autre côté du mur, dans un univers plus onirique où, dans la douleur, certains retrouveront une humanité perdue. Constamment on oscille du réalisme à la poésie. Les spectateurs sont l’assistance rassemblée pour la fête et sont priés d’acclamer le discours du jeune directeur, qui semble tout droit sorti des cours de management des grandes écoles de commerce. Les propos lucides tenus par la fille du Vieux Grand Directeur au jeune loup plein d’ambition semblent sortis de la sociologie de Bourdieu. Le monde des pauvres est celui des SDF, des chômeurs et des marginaux. Mais le texte de Carole Thibaut n’est pas un manifeste. Il s’échappe vers un discours plus poétique où résonne la parole de François Villon qui nous serre le cœur. La scénographie épouse la différence entre ces deux mondes. Décor de fête, salle brillamment éclairée, table où s’alignent les coupes de champagne laissent place à un monde sombre où les recoins semblent pleins de menace.

Carole Thibaut joue aussi dans la pièce et elle est brillante. Elle est K, la fille du Vieux Grand Directeur, intelligente, clairvoyante et sarcastique refusant d’être dupe de ce monde. Puis, sans éclats, semblant d’abord ne pas trop bien savoir où elle va, elle va retrouver son humanité. Comme elle chacun des acteurs aura deux visages, un dans le monde des riches un dans celui des pauvres. Tous sont excellents. On peut citer particulièrement Thierry Bosc, patron retors satisfait de lui-même qui devient, dans le monde des pauvres, le vieux qui refuse d’abdiquer sa dignité ou Arnaud Vrech qui passe du rôle de jeune directeur prêt à presque tout pour satisfaire son ambition à celui du fils chez les pauvres.

Il y a urgence à voir cette pièce. Elle décrit un système qui nous enferme peu à peu, mais s’ouvre sur un espoir et c’est un merveilleux moment de théâtre.

Micheline Rousselet

Du mardi au vendredi à 20h,le samedi à 19, le dimanche à 16h

La Maison des Métallos

94 rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 48 05 88 27

Une projection-rencontre est organisée le 19 septembre à 19h et un atelier-débat le samedi 24

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