Le capitaine Achab poursuit jour et nuit depuis des années une baleine monstrueuse, Moby Dick, qui lui a fait perdre une jambe autrefois. Il entraîne avec lui un équipage parti dans le but de pêcher la baleine mais bien forcé de le suivre dans sa folie vengeresse. Récit d’une expédition baleinière, où la violence des éléments et les dangers planent sur des hommes que la mort guette, mais surtout histoire d’une obsession, le roman d’Herman Melville a inspiré la Compagnie Plexus Solaire et sa fondatrice Yngvild Aspeli. Elle fait vivre ce grand roman avec trois musiciens, sept acteurs et une cinquantaine de marionnettes.

Les trois musiciens, jouant ou grattant leurs instruments (guitare, contrebasse, percussions) font entendre la mer, le bruit des vagues doux ou violent et la folie des hommes. Les lumières (Xavier Lescat et Vincent Loubière) soulignent les vagues ou éclairent doucement la projection vidéo de la cale avec les hommes allongés dans leurs hamacs. L’ambiance est très sombre, comme une mer la nuit, traversée seulement par l’éclair de poissons rapides. Un homme se détache d’un groupe de marionnettes à taille humaine en bottes et ciré. Ismaël est venu parler à ceux qui comme lui « incapables de continuer à vivre ou de se donner la mort sont partis en mer ». On entend une jambe de bois qui clopine et Achab apparaît, grande marionnette au visage sinistre. Le rhum, distribué largement, encourage l’équipage qui crie « Death to Moby Dick ». Manipulée par deux marionnettistes, la baleine passe blanche, énorme, ondulant puis disparaissant. Vidéo et marionnettes se mêlent pour plonger le spectateur dans le monde de la goélette. Des marionnettes grimpent aux cordages et se postent en équilibre sur la vergue, d’autres nettoient le sol, un marin chante sur le gaillard d’avant. Et puis, il y a la mer tout autour, une petite goélette passe au loin, un cachalot souffle, des requins se battent, des baleinières sont mises à l’eau, si petites face à l’immensité et à la profondeur infinie du monde sous-marin. Un drap gris perle devient vagues, la musique se déchaîne au rythme de la tempête. Des marionnettes à têtes de mort entourent Achab qui refuse de renoncer. Moby Dick énorme envahit tout, pulvérisant les petites baleinières, semant la mort autour d’elle.

Ce spectacle est lauréat du Groupe des 20 théâtres en Île de France pour la saison 2020-2021, ce qui lui permettra de bénéficier d’un soutien fort : coproduction à hauteur de 20 000 euros, diffusion dans l’ensemble des théâtres du réseau, les 20 théâtres en Île de France, mais aussi trois réseaux partenaires dont vingt en Auvergne, Rhône Alpes. Et c’est justice car le travail de Yngvild Aspeli est magnifique. L’ambiance créée grâce aux lumières, à la vidéo et à la musique est magique. La voix des acteurs fait entendre de beaux passages du texte de Melville, les marionnettes font vivre le bateau, l’équipage, le monde des profondeurs. Elles sont splendides, inquiétantes, folles et porteuses de mort comme Achab.

Micheline Rousselet

Spectacle vu au Théâtre Monfort à Paris. Tournée à suivre

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