Kheireddine Lardjam s’est emparé de ce texte de Victor Hugo qui lui semblait résonner très justement avec l’époque actuelle. Écrite entre 1855 et 1870, alors qu’il était exilé à Guernesey, la pièce, qu’il refusa de voir jouer « tant que la liberté ne serait pas de retour », se présente comme une comédie pleine de rebondissements. Hugo s’y plaît à condamner l’âpreté des banquiers et à dénoncer une société où règnent les plus grandes inégalités, où l’on condamne les petits voleurs à la tire mais où on laisse s’épanouir dans la richesse des spéculateurs au cœur sec protégés par une justice dont la balance penche plutôt du côté des nantis et qui n’hésitent pas à réduire à la misère des familles ruinées,
Pour échapper aux gendarmes qui le poursuivent, un petit voleur, Glapieu, se réfugie sur les toits de Paris. De l’appartement où il s’est caché, il observe les péripéties de la vie d’une famille qui va être l’objet d’une saisie. Le grand-père est malade, il a laissé une dette dont la mère est incapable de s’acquitter, le créancier se dit prêt à effacer la dette et à faire silence sur d’autres erreurs commises par cette famille à condition que la fille l’épouse. Mais celle-ci a un amoureux, petit employé trop désargenté pour pouvoir l’épouser et n’entend pas être contrainte. Glapieu se voit bien en Robin des villes rétablissant la justice et faisant punir l’ignoble Rousseline.
On sent bien dans ce résumé le mélodrame, mais avec les morceaux de bravoure que l’on aime tant chez Victor Hugo. Kheireddine Lardjam a choisi de rajeunir la pièce par sa mise en scène. Quand la pièce démarre, Glapieu arrive du fond de la salle, essoufflé dans sa fuite, petit sac sur le dos et démarre avec un léger accent beur. Cyprienne la fille de la famille qui le découvre ressemble à une jeune punk un peu gothique, avec ses baskets noirs à lacets fuchsia et son collant résille noir. La mère ressemble à une rock star en gilet et pantalon collant blanc, grandes lunettes de soleil et petit sac à main en vernis fuchsia. L’huissier (Romaric Bourgeois, aussi auteur de la musique) chante le texte façon rap en s’accompagnant à la guitare. Derrière un écran translucide défilent des hommes, avec des masques de corbeaux, emportant des cartons emplis des objets saisis dans l’appartement des débiteurs. La distribution, qui fait la part belle à des acteurs maghrébins, ce qui est suffisamment rare sur les scènes françaises pour qu’on le remarque, est inégale. La tchatche de Maxime Atmani convient parfaitement au personnage de Glapieu petit voleur au grand cœur. Aïda Hamri n’hésite pas à faire un doigt d’honneur à celui qui la convoite contre son gré. Linda Chaïb est parfaite en mère submergée par une situation dont elle n’arrive pas à s’extraire. Le problème est que le metteur en scène les fait crier la plupart du temps et cela passe mal, en particulier pour Azedine Benamara (Rousseline), qui n’est plus que caricature. On peut d’ailleurs regretter le choix du metteur en scène de surdimensionner le traitement parodique de la pièce ce qui en affaiblit le propos et vire à la caricature. Mais il nous permet de voir une pièce d’Hugo peu jouée, où les morceaux de bravoure dénonçant les spéculateurs rapaces et sans scrupules font chaud au cœur.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre, 75012 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 74 72 74
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