C’est si banal de dire « merci ». C’est si rare de s’interroger sur les infinies variations sémantiques de ce petit mot depuis le « merci » machinal à la personne qui nous tient une porte au « merci mon Dieu » en passant par le salarié « remercié » par son employeur ! Merci donc Monsieur Daniel Pennac de vous être décidé à écrire sans le vouloir votre premier texte de théâtre, Merci (2004). Présenté comme un essai, c’est une vraie réussite ! Et comme c’est le monologue d’un lauréat de prix littéraires qui s’emploie diversement à remercier une kyrielle de personnes, choses, évènements, etc., il était tout destiné à devenir un excellent seul en scène.

Encore fallait-il qu’il soit intelligemment adapté et mis en scène par Michel Bruzat dont le Théâtre de la Passerelle porte encore une fois si bien son nom. Merci à lui ! Sur le plateau de pierres et sous le balcon de bois du Théâtre des Carmes, il a disposé un trophée qui trône en un centre légèrement décalé de la scène, à la croisée de deux tapis rouges dessinant l’espace de la gloire. Le rouge du sol et l’or de la coupe réclamaient un bleu… C’est dans une robe de cette couleur que surgira de l’anonymat la lauréate appelée au triomphe.

Nous avons donc un texte de grande facture, une mise en scène sobre et épurée, il restait à souhaiter le miracle de l’incarnation ! Vint alors Flavie Edel Jaume qui sait admirable porter et sublimer auteurs et metteurs en scène. Dans sa robe cocktail bleu gitane, elle sera l’heureuse élue ! Mais qui remercier et comment pour une œuvre qui est toute une vie ? La comédienne campe une lauréate toute en subtilité, facétie, ironie, gaucherie, naïveté, vacheries, agilité, confidences, défiance… Échantillons : « On remercie beaucoup, mais jamais peu… » ou bien « L’amour qu’on nous donne nous fait du bien pourtant on ne remercie pas pour l’amour… » ou encore « Merci à tous ceux qui m’ont laissée tranquillement travailler à mon œuvre ». On danse avec les mots et les situations, une phénoménologie pétillante du merci. Un autre et immense merci à la comédienne s’impose !

Résumons-nous : un texte intelligent, un metteur en scène chevronné et une comédienne émérite, le tout dans un si beau lieu. Toutes conditions réunies pour vivre un grand moment de théâtre et crier un triple « MERCI ! »

Jean-Pierre Haddad

Avignon Off. Théâtre des Carmes, 6 place des Carmes. Du 7 au 26 juillet à 11h55. Relâche les mercredis 13 et le 20. Réservations : https://www.vostickets.net/THEATRE_DES_CARMES/index.htm ; Tél. 04 90 82 20 47

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