Simon Abkarian met en scène et joue son texte Ménélas Rebétiko Rapsodie dans la très belle salle en pierre du Théâtre de l’Épée de Bois à Vincennes. Le décor est épuré : des tables et des chaises d’une taverne. Deux musiciens, Grigoris Vasilas au bouzouki et au chant et Kostas Tsekouras à la guitare s’installent à la table centrale, se versent un verre d’ouzo et entament un morceau de rebétiko, musique populaire qui se jouait entre Grèce et Turquie dans les années 1920. Arrive comme surgi du passé un homme en tenue sombre et chapeau qui les rejoint et commence sa longue plainte. C’est celle du roi de Sparte, Ménélas, qui pleure et se désole du départ et de l’infidélité de sa femme Hélène, rivale d’Aphrodite sur Terre qui préféra fuir les ors du palais qui la tenait prisonnière pour suivre le Troyen, Pâris sur l’autre rive.
Simon Abkarian, qui joue Ménélas, et les deux musiciens qui l’accompagnent nous font vivre les cris de lamentation et l’incompréhension du roi de Sparte abandonné et abattu qui refuse sous la pression de son frère Agamemnon de se venger des Troyens. Il finira par céder, pensant ainsi retrouver celle qui l’avait choisi parmi les multiples prétendants que son père humain Tyndare avait réunis leur intimant l’ordre de respecter le choix de sa fille et de venir en aide à celui qui deviendra son successeur.
C’est donc une histoire d’amour, de trahison et de haine (deuxième syllabe phonétique d’Hélène) que nous content Simon Abkarian et ses musiciens alternant récit de Ménélas et chants dont les paroles sont projetées sur le mur du fond formant parfois un chœur. Dans sa longue plainte, l’homme écorché s’interroge sur son rapport amoureux à Hélène et les raisons de son départ.
Simon Abkarian se donne à plein. Il joue et danse avec un éventail qui sera à la fois chapeau, poignard ou une coupe. Il se révolte, se dédouble et chante avec ses deux complices et amis, les musiciens rebètes, excellents, dont la musique est celle des bas-fonds, de ces cabarets où se chantent les amours perdus, les trahisons, les problèmes d’alcool et où circule la drogue. C’est aussi le chant des exilés réfugiés dans les bouges du Pirée. Il vient de cette Asie mineure qui vit aussi s’y perpétrer le massacre des Arméniens. La parole y est tellement libre que le Rebétiko sera banni par la Grèce des Colonels qui le jugeait top subversif et trop oriental.
Simon Abkarian a écrit et interprète magnifiquement un texte poétique, mélancolique hésitant entre rage, vengeance, amour, détresse pour celle qu’il a possédée et qui l’a abandonné ou qu’il a abandonnée, faute de n’avoir su l’entendre.
Frédérique Moujart
Du mercredi au vendredi à 19h, le samedi à 18h et le dimanche à 14h30 – Théâtre de l’Epée de Bois- Cartoucherie, route du Champ de manœuvre, Paris 12ème – Réservation : 01 48 08 39 74 ou billeterie@epeedebois.com
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