
Ce roman publié en 1951 fit entrer Marguerite Yourcenar dans le cercle des écrivains majeurs du vingtième siècle. Elle y offre une méditation philosophique en entrant dans l’âme de l’empereur Hadrien au soir de sa vie. Cherchant à cerner qui il a été, il porte un regard lucide sur son existence, revisite ses triomphes militaires et son obsession de faire la paix, ses amours et sa passion pour la beauté des corps comme pour les œuvres d’art.
Renaud Meyer en signe une adaptation qui s’affranchit de la dimension historique de l’œuvre pour se consacrer toute entière à la puissance et au lyrisme du texte. Sa mise en scène offre au regard un empereur qui se prépare à la mort. Dans un décor sobre réduit à quelques morceaux de marbre, une colonne abritant un bassin et une cuirasse d’or on entend au début dans la pénombre la voix de l’acteur interprétant Hadrien. Il sortira peu à peu de l’ombre torse nu vêtu d’un ample pantalon de toile écru. Il évoque la saveur du pain clouté de sésame, du vin retsina la beauté du corps aimé et le plaisir du sommeil avant de faire un retour vers sa jeunesse. Il parle de son admiration pour la Grèce, de son amour pour Rome qui seule pouvait assouvir son appétit de pouvoir et lui assurer la liberté, mais aussi de son besoin d’actions d’éclat que seule l’armée pouvait lui offrir et qui lui assura la couronne impériale. Fort de ses conquêtes il finit par se sentir égal à un Dieu jusqu’à ce que le suicide de son amant, le bel Antinoüs, le ramène à son vieillissement et à sa finitude.
Peu de choses suffisent au comédien Jean-Paul Bordes pour offrir le portrait de cet empereur philosophe. Il incarne Hadrien au sommet de sa gloire, posant sur ses épaules un immense drap, véritable carte de géographie de ses conquêtes et ceignant sa tête d’une couronne d’or, tandis qu’autour de lui le sol est jonché de petites feuilles d’or, images de beauté, de richesse et du pouvoir qui l’accompagne. Il est ensuite cet empereur faisant sa dernière toilette, se coiffant, se pommadant et enfilant une veste pour son rendez-vous avec la mort. La voix calme et précise, l’émotion contenue le comédien incarne superbement cet homme lucide qui entre dans la mort les yeux ouverts et c’est très beau.
Micheline Rousselet
À partir du 15 janvier au Théâtre de Poche Montparnasse, 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris – du mardi au samedi à 19h, dimanche à 15h – Réservations : 01 45 44 50 21 ou www.theatredepoche-montparnasse.com
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