Théâtre : Médéa Mountains

Alima Hamel, la jeune poétesse, musicienne et chanteuse d’origine algérienne évoque ici son histoire personnelle. Elle se souvient du bonheur des vacances familiales quand elle quittait Nantes avec ses parents et ses cinq sœurs pour Médéa, petit village algérien au milieu des montagnes. Puis ses sœurs ont grandi et au fil des ans, elles ont été une à une abandonnées à Médéa pour être mariées selon les traditions familiales. Elle dit leur souffrance, leur pleurs, leur course derrière la voiture qui s’éloignait emmenant le reste de la fratrie, les lettres qui se raréfient, les liens qui se distendent. Et un jour elle apprend la « mort violente », selon le rapport du médecin légiste de sa sœur tant aimée Dour, massacrée en 1997 avec son époux lors de ce que les Algériens nomment la décennie noire.

Théâtre : Médéa Mountains
Théâtre : Médéa Mountains

Musicienne qui emprunte au blues et au folk, teinté de sonorités arabes, Alima Hamel chante ses poèmes d’une voix profonde, douce et rauque à la fois. Cette fois elle a choisi de raconter son histoire. Le récit se mêle à la poésie. On ressent les émotions de la petite fille qu’elle fut, la douleur de la séparation avec ses sœurs, le ressentiment contre le choix de ses parents. Tout est suggéré avec délicatesse jusqu’au drame.

Aurélien Bory qui suit le parcours d’Alima depuis plusieurs années a découvert son histoire et a mis en scène le spectacle. Parfois les éclairages isolent la chanteuse, soulignant la solitude de ces filles coupées de leur éducation, de leur milieu à la fin de l’adolescence, parfois solaires ils évoquent la lumière de Médéa. Surtout Aurélien Bory a imaginé une machinerie qui dessine à l’encre de Chine, tout au long du spectacle, sur une grande feuille de papier kraft, une sorte de carte complexe, celle peut-être de la mémoire de Alima, avançant, reculant, traçant des bouts de lettres, Médéa.

La nouvelle de l’assassinat de Dour, Alima Hamel la reçoit yeux écarquillés de peur, bouche ouverte en un cri d’horreur avalé. Le chant passe de l’arabe au français. Elle fend le papier et disparaît, engloutie par l’ombre. C’est magnifique.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h

Théâtre des Bouffes du Nord

37 bis, boulevard de la Chapelle, 75010 Paris

Réservations:01 46 07 34 50

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