De Marie-Antoinette Stefan Zweig dit « Elle n’était ni la grande sainte du royalisme ni la grande « grue » de la Révolution, mais un être moyen, une femme en somme ordinaire, pas trop intelligente, pas trop niaise, un être ni de feu ni de glace, sans inclination pour le bien, sans le moindre amour du mal … sans soif d’héroïsme, assez peu semblable à une héroïne de tragédie ». C’est l’irruption de la Révolution qui a fait de cette jeune femme faible et futile, mariée trop jeune à un mari qui ne fut jamais à la hauteur de sa fonction, seulement intéressée par les toilettes et les mondanités, une femme qui prend conscience du monde qui l’entoure et atteint au tragique à la toute fin de sa vie. Stéphane Zweig s’est intéressé au destin de cette reine car il y trouvait un écho à la situation de son pays l’Autriche dans les années trente : une situation politique délétère, des élites coupées du peuple qui se gobergent à ses dépens. Comme ceux de l’Autriche aux grandes puissances, au milieu des années 1930, les appels au secours de la Reine ne seront pas entendus et c’est beaucoup trop tard qu’elle entendra les conseils de sa mère, l’Impératrice Marie-Thérèse, figure emblématique de l’Europe Centrale à l’époque.
Marion Bierry adapte et joue ce texte du magnifique conteur qu’est Stefan Zweig. Sur scène, elle se fait l’avocate de la Reine tandis que son partenaire, Thomas Cousseau, apparaît plutôt comme l’historien et le juge de cette histoire. Cela commence par la lecture d’une lettre de Zweig qui évoque, sur fond de valse viennoise, ses recherches historiques et la difficulté d’être juste. Puis les acteurs évoquent le mariage de cette à peine jeune fille, les discussions byzantines et interminables, plus d’un an, sur les détails du mariage, la déception de l’héroïne devant ce roi falot qui écrit trop souvent dans son journal « Rien ». Tout est là pour la conforter dans sa position de gamine inconsciente qui raconte les fêtes et les transports de joie et d’affection dont elle s’imagine être l’objet. Elle ignore les remontrances de sa mère, méprise les ragots, sans voir leur pouvoir explosif. Elle ne voit rien, aveuglée comme son époux par sa position. C’est quand tout s’écroulera autour d’elle qu’elle s’intéressera à la situation politique, tentera de trouver des alliances, montrera une dignité qui séduira certains, mais il est trop tard. Dans la petite salle du Poche, la parole glisse d’un acteur à l’autre, fluide, vivante et l’on est au plus près de leurs visages où passent toutes les émotions. Thomas Cousseau retrace les trahisons, celles des hommes de Cour comme celles de la famille de la Reine, les mensonges, l’avancée de la Révolution, l’engrenage des événements qui conduiront la Reine à sa perte. Il y a parfois dans sa voix de l’ironie, parfois une gravité qui annonce le drame. Marion Bierry dresse un portrait sensible de cette Reine, qui aurait pu mener une vie de princesse insignifiante et inconsciente si l’Histoire ne l’avait pas rattrapée et condamnée.
Et aujourd’hui ? N’avons-nous pas des élites politiques trop souvent sourdes aux malheurs des peuples et plus préoccupées par les petites trahisons entre amis que par une vision politique d’envergure ? Monter ce texte qui date de 1933 apparaît alors tout à fait pertinent.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h
Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 44 50 60 67
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