George (sans s, sa mère aimait George Sand!) est une intellectuelle parisienne, Gauvain un marin breton. Ils se sont rencontrés tout jeunes en Bretagne, elle dans le rôle de « fille de touriste » et lui dans celui du marin breton. Parfaitement conscients de tout ce qui les sépare, ils vont se laisser emporter par une folle passion charnelle. Même mariés chacun de leur côté, même séparés par des milliers de kilomètres et un gouffre culturel, ils ne vont cesser de se quitter pour se retrouver aux quatre coins du monde afin de mêler leurs deux corps dans une extase érotique qui confine au sacré.

Josiane Pinson, que l’on avait aimée dans sa trilogie PSYcause(s), se penche à nouveau sur la psyché féminine en adaptant le roman autobiographique de Benoîte Groult, Les vaisseaux du cœur. George est une femme libre, une intellectuelle, une universitaire, qui semble sûre de ses choix. Elle sait parfaitement qu’il lui sera impossible de vivre avec un homme avec qui elle ne pourra pas parler politique ou histoire, qui n’a ni son appétit pour la culture ni les codes de son monde. Lui aussi est conscient du gouffre qui les sépare. Pourtant ils ne peuvent échapper à leur désir, à la volupté d’une liaison à nulle autre pareille. Entre frustration des séparations, exaspération face au désir qui les submerge, jouissance parfois envahissante, tendresse aussi, ils se rejoignent régulièrement au fil des années.

La mise en scène de Panchika Velez s’est mise à l’écoute de ces allers-retours du passé au présent, de ces rencontres au bout du monde et de ces nuits érotiques. Une vidéo légère passe du monde des livres de George à celui de la mer, les lumières imaginées par Florent Barnaud nous accompagnent entre le jour et la nuit.

Josiane Pinson s’empare du texte de Benoîte Groult, souvent cru, mais que l’élégance de son écriture fait échapper à la vulgarité. Dès le début elle cherche le mot qui convient à cette histoire. Copulation c’est ennuyeux, fornication cela fait penser à une condamnation religieuse, baiser c’est expéditif, pourquoi pas « faire turlute » ou comment nommer « la magie du truc dans le machin » ! Elle parle à son sexe qui s’ennuie avec les autres. C’est insolent, drôle et pourtant, derrière le désir et la volupté, affleure la tendresse. « Chaque mot prononcé, chaque geste esquissé nous met l’âme au bord des lèvres ». Une voix off, celle de de Didier Brice, apporte la rudesse, l’accent du marin-paysan et les désarrois de Gauvain. La comédienne, le regard franc assume son appétit de volupté avec cet homme qui lui donne un plaisir que nul autre n’a su lui offrir. Elle épouse tous les sentiments et les émotions de George. Elle est brutale dans le constat de l’écart culturel entre eux, elle l’attend fiévreusement, tente de l’oublier, s’exaspère, se laisse emporter par le plaisir, devient anxieuse quand l’heure de la séparation approche car, au fil des ans, la tendresse a rejoint le plaisir érotique qui ne s’est jamais éteint.

Un hymne à la liberté et à la jouissance féminine que l’actrice porte magnifiquement.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 7 mai au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du mardi au samedi à 21h, dimanche à 17h30 – Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr

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