Michel Mollard, essayiste, réalisateur, éditeur et producteur de concerts, s’intéresse dans son nouveau spectacle Malwida pour la deuxième fois à Romain Rolland. Avec Dernières notes, spectacle présenté l’automne dernier au Studio Hébertot, il mettait en scène l’ultime soirée de Romain Rolland. Cette année, c’est de ses débuts dont il est question.

Nous sommes à l’été 1889. Romain Rolland est chez son maître et mentor, Gabriel Monod, qui tient à lui présenter une vieille femme exceptionnelle, Malwida von Meysenbug, l’auteure des Mémoires d’une Idéaliste. Au début, Romain Rolland n’est pas enthousiasmé par cette connaissance imposée. Cependant il va la voir à Rome, là où elle habite et où il va partir en résidence. Il découvre cette femme étonnante qui a cinquante ans de plus que lui et qui a été oubliée par l’histoire. C’est une féministe qui a participé à la révolution de 1848. Elle a été l’amie de Richard Wagner, Liszt, Michelet, Nietzsche. Elle est passionnée de musique. Ayant quitté tôt sa famille noble, elle est peu fortunée et a gagné sa vie comme traductrice et éducatrice. Entre Romain Rolland et elle va se nouer une amitié exceptionnelle. Comme elle le dit, elle a « l’amitié active ». Elle va soutenir son jeune ami qui doute de lui et qui traverse des moments difficiles, des échecs. Elle l’encourage à accomplir ses rêves, à ne jamais renoncer, à suivre son idéalisme, à abandonner le professorat pour se consacrer à l’écriture. Pendant quatorze ans, jusqu’à sa mort à elle, ils vont entretenir une correspondance incroyable de 1500 lettres. Romain Rolland lui rendra hommage en disant d’elle : L’ami qui vous comprend vous crée. En ce sens , j’ai été créé par Malwida.

Le décor unique et sobre constitué côté cour d’une petite table, une photo et deux chaises cannelées et côté jardin d’un piano nous plonge dans leur intimité tantôt à Paris quand les panneaux en fond représentent des bibliothèques, tantôt à Rome quand des tableaux sont peints sur les panneaux. L’auteur Michel Mollard et le metteur en scène François Michonneau ont réussi à nous faire partager avec plaisir cette belle histoire. Le spectacle s’ouvre sur la voix off grave et chaude de Jean-Claude Drouot, Romain Rolland âgé qui nous confie ses pensées et ses impressions pendant que le merveilleux pianiste, Ilyès Bouyenzar, Romain Rolland jeune, joue au piano l’ouverture de la Cantate BWV 21 de J.S. Bach. Bérangère Dautun, qui a été pensionnaire et sociétaire de la Comédie française, est une Malwida fragile toute en sensibilité, retenue et grâce qui nous touche profondément. Elle joue cette vieille femme avec un immense talent. Benoît Dugas est un Gabriel Monod posé, raisonnable et très attaché à Romain Rolland et Malwida. Ilyès Bouyenzar donne à Romain Rolland jeune toute sa naïveté, son mal-être et ses doutes mais aussi son amour pour la musique. On écoute avec plaisir les morceaux de Bach, Beethoven et Wagner qu’il nous joue.

Michel Mollard qui travaille actuellement à l’édition monumentale de la correspondance entre Romain Rolland et l’écrivain André Suarès, a composé avec cet opus un beau texte disponible aux Éditions Le Condottiere.

Un beau spectacle dans une mise en scène classique qui mêle théâtre et musique et qui nous fait découvrir une femme injustement méconnue.

Frédérique Moujart

Jusqu’au 27 octobre, du jeudi au samedi à 19h, le dimanche à 17h – Studio Hébertot, 78 bis bd des Batignolles, Paris 17ème – Réservation : 01 42 93 13 04 ou www.studiohebertot.com

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