
Le Munstrum Théâtre qui a un succès fou, particulièrement auprès des jeunes, s’attaque cette fois à Macbeth, mais avec un petit k qui subrepticement vient remplacer le c original, un k comme dans punk ? Louis Arène et Lionel Lingelser, les créateurs du Munstrum, ont trouvé dans Shakespeare l’occasion de s’attaquer à un beau duo de monstres sur fond de guerres, de trahisons et de meurtres en série, le visage à deux têtes du mal absolu et de la barbarie. Mieux vaudrait toutefois avoir lu Macbeth pour ne pas se perdre. Mais est-ce si important puisque les deux compères n’hésitent pas à faire un petit tour du côté des spectres de Hamlet.
Fidèles à leur habitude ils passent du tragique au grotesque et créent des images mémorables. Jamais le chaos de la guerre avec ce bruit, cette fureur, cette épouvante des soldats, fusil pointé, qui fuient dans le désordre n’avait été montré avec autant de puissance sur scène. Makbeth encore seulement général, très petite couronne sur la tête, joue avec la vie d’un prisonnier avant de le faire éventrer puis décapiter. A l’enterrement du Roi Duncan, tous se disputent la couronne comme si c’était un ballon de rugby et c’est Makbeth qui gagne.
Louis Arène et Lionel Lingelser revendiquent un mauvais goût proche du grand-guignol, où disent-ils se révèle « une tension entre le comique et le tragique, le sacré et le profane, l’ombre et la lumière, le kitsch et le sublime ». Lorsque Lady Makbeth enjoint son époux de bander son courage, elle l’y aide au sens propre ! Les couteaux brillent dans la pénombre. Des flots de sang giclent des blessures. Makbeth est englué dans sa culpabilité comme dans la sorte de chewing-gum rouge sang qui le couvre entièrement ! Le mal suinte partout. Dans une musique envahissante, on se bat, on se poursuit, on s’assassine avec entrain. On passe de la tragédie – les meurtres, le sang – au comique – le cadavre du Roi pète, le fou glisse quelques phrases en anglais à l’adresse du public, Lady Makbeth se plaint « elle est où l’ambiance ? ».
Les costumes délirants ( Lady Makbeth a une robe à crinoline faite à partir d’une tente Quechua, Makbeth arrive en robe de chambre au réveil après l’assassinat du Roi), les faux nez et ventres postiches transforment les héros shakespeariens en clowns tragiques qui n’ont plus de limites morales à leur soif de pouvoir.
Si Louis Arène assume seul la mise en scène, les deux têtes du Munstrum jouent eux-mêmes le couple maudit, Louis Arene en Makbeth et Lionel Lingelser en Lady Makbeth. Des masques légers, laissant yeux et bas du visage libres, contribuent à leur donner un visage extra-humain juste un peu monstrueux à l’image de ceux qu’ils incarnent !
La pièce fait écho aux temps sombres où nous sommes entrés, où la barbarie gronde et où des hommes puissants abusent de leur pouvoir pour commettre des massacres. Dans cette mise en scène la pièce retrouve sa brutalité, sa flamme, sa puissance et peut-être nous « donnera-t-elle la force de regarder les monstres en face et peut-être de les aborder » comme semble l’espérer Louis Arène.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 15 mai au Théâtre Public de Montreuil, 10 Place Jean Jaurès, 93100 Montreuil – du lundi au vendredi à 20h, le samedi à 18h – Réservations : 01 48 70 48 90 ou theatrepublicmontreuil.com – les 22 et 23 mai à La Filature à Mulhouse, du 10 au 13 juin au Théâtre du Nord, CDN de Lille
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