Hector Berlioz ne fut pas seulement un grand compositeur. Il écrivait aussi et fort bien. Dans une série de nouvelles intitulées Les soirées de l’orchestre, il dresse, d’une plume alerte et acérée, un portrait du milieu musical de son temps et la sixième soirée est consacrée au ténor.
Jean-François Novelli est un ténor reconnu, ce dont témoigne la trentaine de disques qu’il a enregistrés et sa présence sur de nombreuses scènes européennes pour des concerts ou des opéras. Comme il a le goût de la comédie, l’humour de ce texte satirique l’a inspiré. Le mettre à la première personne lui permet de se couler dans le personnage en alternant texte et musiques.
Il faut bien commencer, alors Jean-François Novelli arrive vêtu d’une chemise blanche le cou orné d’une fraise, en patins à roulettes, flûte à la main, l’air malicieux. Il chante Les tendres souhaits, une chanson d’Antoine Albanese, musicien et chanteur du XVIIIème siècle, occasion pour lui d’évoquer les débuts du ténor formé par un professeur « charmé par sa voix pure et mélodieuse », ce qu’il répète avec le bonheur de l’homme satisfait de lui. Il est le ténor dont se moque Berlioz, s’étonnant lui-même de la hauteur à laquelle il peut pousser sa voix, sûr de son pouvoir sur l’orchestre, sur les compositeurs mêmes, il séduit toutes les femmes par sa voix exceptionnelle. « Il se prend si bien pour un Dieu qu’il parle à tout instant comme une divinité » (Berlioz). Le texte ridiculise plutôt le ténor, mais le ténor qu’est lui-même Jean-François Novelli ne pouvait s’arrêter là.
Mis en scène par un ancien des Deschiens, Olivier Broche, dans un décor sobre où domine un piano à queue, Jean-François Novelli, vêtu de tenues parfois excentriques, va montrer ce qu’il y a de sublime mais aussi de pathétique dans la carrière du chanteur. Il n’y a pas que les triomphes, il peut aussi y avoir les sifflets et un jour la voix qui s’enfuit et se casse. Ces périodes de sa vie seront scandées par la lumière qui le nimbe, tantôt douce et chaude, tantôt dure et froide. À ses côtés le pianiste Romain Vaille, dans son frac un peu élimé l’accompagne vaillamment, se pliant aux états d’âme de la vedette.
Comme le chanteur est aussi un peu clown, le spectateur rit souvent, mais le spectacle est aussi une réflexion sur le rapport de l’artiste à son art et sur le rôle du spectateur aussi prompt à encenser qu’à détruire un artiste.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 30 octobre au Théâtre Les Déchargeurs – 3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris – Réservations : 01 42 36 00 50 – Les mercredis et jeudis à 21h –
Noter que les vendredis et samedis à 21h le même Jean-François Novelli joue aux Déchargeurs, Croustilleux La Fontaine, les contes grivois de La Fontaine sur une musique d’Antoine Sahler et dans une mise en scène de Juliette, spectacle délicieux que j’avais chroniqué sur le blog.
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