La pièce nous plonge dans la salle commune d’une maison où sont accueillis des bénéficiaires de l’aide sociale en Grande Bretagne. Il y a là un fils avec sa vieille mère incontinente et une famille avec deux enfants. Ils passent des heures à tenter d’obtenir un rendez-vous dans l’espoir d’être bientôt relogés dans une maison ou un appartement « normal », espèrent que leur cas sera examiné avec bienveillance mais sont à peine écoutés par des employés débordés. Victimes d’un système économique injuste et de l’inhumanité des règles administratives, leur lot c’est désormais la promiscuité, avec les petits conflits qu’elle entraîne, les enfants qui réclament des chocopops, qu’ils ne peuvent pas leur payer, la solitude et la honte de devoir aller quémander de la nourriture à la Banque alimentaire. Comment ne pas sombrer dans cet environnement ? Certes ils ne sont pas à la rue, mais leur situation vaut à peine mieux. On sent qu’ils sont là depuis longtemps. À leurs côtés il y a aussi une réfugiée d’un pays arabe et un migrant, nouvellement arrivé, qui ne cesse de s’excuser d’être là. Chacun est enfermé dans ses soucis, son angoisse du lendemain. Pourtant il leur reste leur dignité et l’amour qui soude un fils à sa mère, un homme à son épouse enceinte, un adolescent rebelle à ses parents et à sa sœur.

Cette pièce, en anglais surtitrée, s’insère dans la trilogie The inequalities de l’auteur et metteur en scène britannique Alexandre Zeldin, avant Une mort dans la famille présentée au printemps dernier à l’Odéon. Comme pour ses pièces précédentes, l’auteur travaille sur des témoignages, des rencontres, des lectures aussi, ici Let’s us now praise famous men de James Agee et Walker Evans. Ce qui est la marque d’Alexandre Zeldin, c’est son travail avec des non professionnels, dans des contextes éloignés de ce qu’on voit habituellement au théâtre. Tous travaillent au projet, chacun improvise sur le texte, discute avec l’auteur et des familles sont invitées pendant les répétitions. Au final il devient totalement impossible sur le plateau de distinguer les acteurs professionnels des autres. Ils font même sauter le quatrième mur. Lorsque la vieille dame, n’en pouvant plus d’être une charge pour son fils et pour tous, vient d’un pas incertain chercher la main bienveillante des spectateurs, ceux-ci fondent d’émotion. L’amour est là.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 22 octobre au Théâtre de l’Odéon hors les murs à l’Embarcadère – Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, 2 rue Edouard Poisson, 93300 Aubervilliers – Réservations : 01 48 33 16 16

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu