« Louise, elle est folle »
Après s’être égarées dans les dédales des coulisses d’un théâtre, deux jeunes femmes débarquent comme étonnées de se retrouver sur le plateau.
D’entrée l’une accuse l’autre de lui avoir volé les mots, de l’avoir trahie et le ton est donné. La conversation entre elles, sous la forme d’un ping-pong verbal, va les entretenir entre rivalité et complicité dans un délire grandissant et de plus en plus serré…
Qui sont-elles ? Quelle sorte de rapport les unit ? Qui est cette Louise à laquelle elles font référence, qu’on ne verra jamais et qui apparaît comme un garde-fou à leur comportement borderline ?
Le dialogue éclaté, un propos qui passe du coq à l’âne va très vite indiquer que les personnages ne sont pas des incarnations et que l’absence d’un fil conducteur va passer à la trappe toute dimension dramatique.
Les répliques fusent, drôles, incisives, agressives ou complices sous la forme de « mots d’auteur » et c’est l’accumulation, un rythme qui ne faiblit jamais qui, fait de situations et de considérations passées par le prisme de l’absurde, constitue l’ossature du spectacle.
On devine dans le texte de Leslie Kaplan les signes de plusieurs influences. On est tout près d’un Jean Tardieu et pas très loin d’Eugène Ionesco ou d’autres encore mais ce qui pourrait apparaître comme un mécanisme théâtral vieillot, comme un numéro de café-théâtre, trouve une saveur totalement renouvelée grâce eu jeu irrésistible de Frédérique Lollée et d’Elise Vigier qui s’y trouvent comme deux poissons dans l’eau et dans la conception du spectacle qu’elles ont élaborée, drôle, inventive, culottée avec une utilisation fine et intelligente de vidéos qui se justifient toujours.
Et tout ce qui pourrait virer à la facilité est à chaque fois sauvé par la virtuosité de leur prestation, par une mise en scène toute en tours de passe-passe jubilatoires….
« Déplace le ciel »
« Déplace le ciel » le petit spectacle de cinquante-cinq minutes qui succède à » Louise, elle est folle » a le tort de venir après. Il souffre un peu de la comparaison.
Tout du mécanisme de l’écriture ayant été révélé dans le premier volet du spectacle, ce n’est pas l’histoire d’amour contrariée de l’une des deux femmes, une mise en scène plus élaborée, une utilisation plus envahissante de la vidéo, un discours féministe remis en cause par la réalité des sentiments qui peuvent renouveler ce qui, très vite, apparaît un peu comme un procédé.
Quelques moments cependant, très savoureux, relèvent « Déplace le ciel » .Mais ce sont les séquences où les répliques fusent en ping-pong et notamment celle où est démontrée avec la meilleure de la mauvaise foi, la supériorité de la langue française sur la langue anglaise.
Mais ces moments ne font que renvoyer au plus divertissant de « Louise, elle est folle » .
Au final, une soirée divertissante dont on retient les meilleurs moments, la vigueur de jeu des deux comédiennes et l’inventivité de la mise en scène…
Francis Dubois
Théâtre de Quartiers d’Ivry Studio Casanova 69 avenue Danielle Casanova Ivry.
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) 01 43 90 11 11
www.theatre-quartiers-ivry.com
Après une tournée à Denver aux États-Unis du 4 au 15 mai. « Louise, elle est folle » se donnera du 18 au 20 mai au Théâtre des Cordes à Caen et « Déplace le ciel » le 29 mai au Panta Théâtre à Caen.
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