Fondé en mai 1938 par Pierre Dac, L’os à moelle, « organe officiel des loufoques », érigea la cause du non-sens en cause nationale. Pourquoi ce titre lui demanda-t-on ? « Pourquoi pas ? » répondit-il ! Le succès est rapidement au rendez-vous avec cent mille exemplaires vendus en une journée. Au bout de deux années, le journal de quatre pages cessa de paraître, par la faute d’un certain Monsieur Hitler, « petit homme qui tend toujours la main comme pour voir s’il pleut et dont le seul signe le rapprochant d’un être humain est sa moustache à la Charlot ». Le 108ème et dernier numéro paraît le 31 mai 1940, une semaine avant l’entrée des Allemands dans Paris. Pierre Dac fuit Paris, une autre page s’écrit. Il sera l’une des voix à Londres pour les émissions « les Français parlent aux Français » de la BBC

Au fond du plateau des numéros agrandis du journal offrent des Unes qui affolent les boussoles en remettant en cause les idées reçues avec un humour délirant. La mise en scène d’Anne-Marie Lazarini se met entièrement au service de ces textes. Entre les chroniques régulières comme les recettes totalement loufoques de Tante Abri, les pensées et maximes mémorables – du genre « il vaut mieux qu’il pleuve aujourd’hui qu’un jour où il fait beau » – ou les petites annonces – « on demande cheval sérieux connaissant bien Paris pour faire livraisons seul » – un des acteurs résume rapidement le contexte historique. Parfois une chanson vient ajouter sa petite graine de non-sens : On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried ou Des sombreros et des mantilles, tube de l’année 1938, celle des accords de Munich et de l’entrée des troupes allemandes à Vienne !

Une actrice (Emmanuelle Galabru) et deux acteurs (Cédric Colas et Michel Ouimet) se passent la parole dans un rythme qui ne faiblit et avec un sérieux digne d’un pape. Tantôt journal déplié, tantôt debout ou assis, ils associent le geste à la parole. On glisse du pur non-sens, avec le rappel que M. Hitler n’a toujours pas payé son abonnement ou la lettre au préfet pour demander le poste de Président de la République, au grotesque avec un Hitler semant son drapeau dans toute l’Europe, mais évitant de « laisser la France dans un cruel isolement et acceptant qu’Andorre et Saint-Marin restent indépendants ».

Un pur régal pour ceux qui connaissent Pierre Dac (dont on entend même la voix brièvement) et la découverte réjouissante de son esprit rebelle et de son irréductible liberté pour les plus jeunes.

Micheline Rousselet

A partir du 21 octobre à l’Artistic Théâtre, 45 rue Richard Lenoir, 75011 Paris – les samedis et dimanche à 15h, mercredi 17h – Réservations : 01 43 56 38 32 ou www.artistictheatre.com

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