Carole Thibaut, aujourd’hui directrice du théâtre des Îlets, CDN de Montluçon, a vécu son enfance à Longwy, qui était alors le joyau de la sidérurgie lorraine, une ville riche que l’on appelait « le petit Texas ». Son grand-père et son arrière grand-père avaient travaillé à l’aciérie et son père y était ingénieur. Elle a vécu la fermeture de la dernière aciérie, les luttes ouvrières de la fin des années 1970 et du début des années 80, ponctuées d’occupations d’usines et de manifestations, soutenues par des artistes célèbres, la gloire éphémère de la radio clandestine Lorraine cœur d’acier puis le déclin de la ville comme celui de toute la vallée. Ce n’est pas le golf qu’on y a installé qui a sauvé l’activité. La ville est devenue une sorte de cité dortoir bon marché pour ceux qui travaillent au riche Luxembourg voisin. Mais ce n’est pas seulement sur la ville de son enfance que Carole Thibaut se penche, c’est aussi sur l’image de son père. Admiré – il véhicule en partie une légende familiale sur l’ascension sociale – et un peu craint – il dirige la famille, décide et, devant ses décisions, tous s’inclinent.

De son histoire personnelle l’autrice tire une réflexion sensible sur la société et l’histoire française de cette époque. Elle n’a plus de lien avec Longwy mais l’ironie du hasard l’a rendue directrice d’un théâtre à Montluçon installé dans une ancienne fonderie ! Elle s’est replongée dans sa fabrique à souvenirs, ses petites légendes personnelles pour créer ce spectacle qui prend la forme d’une sorte de conférence ponctuée d’images d’archives et de photos familiales. Ce n’est pas l’histoire de la sidérurgie à Longwy que Carole Thibaut nous conte, c’est son regard personnel sur les images qui ont peuplé son enfance qu’elle offre avec générosité et poésie : la grandeur de la sidérurgie lorraine, la dure noblesse de ces hommes aux « mains d’or » que chante Bernard Lavilliers, la griserie des luttes ouvrières, la tristesse de la fin de ce monde et en outre son regard décillé sur son père, un homme au pays des hommes, où les femmes suivaient.

On en sort les larmes aux yeux.

Micheline Rousselet

Spectacle vu au Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, 75011 Paris – Le spectacle tourne en France

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