Un homme, Pietr, et une femme, Lisbeth, se rencontrent à Tours à la terrasse d’un café. Ils ont tous deux la quarantaine, elle vend des bijoux et vient d’être licenciée par son ex-mari (ex, il vient de le devenir !), il est voyageur de commerce. C’est le coup de foudre, les 2m58 qui les séparaient au café se réduisent. De la gêne des premiers mots au désir impérieux et aux premiers rapports sexuels, ils vont s’aimer aux quatre coins de la France. Un jour il la retrouve sur le quai d’une gare mais il ne reconnaît plus ni ses yeux ni sa bouche. Pourtant c’est son rire qu’il entend et ses baisers qu’il reconnaît. Une autre Lisbeth ? Il ne sait plus qui elle est, s’il l’aime ou s’il la hait.
Le texte de Fabrice Melquiot nous fait passer par tous les moments de la rencontre amoureuse, du désir fulgurant aux premières étreintes, des confidences à la dénégation, de l’admiration au rejet, de l’amour à l’envie de tuer l’autre. C’est souvent brûlant de désir, parfois insolite voire drôle comme leur premier soir à l’hôtel, lorsque Pietr déshabille Lisbeth en parlant du Capital de Marx. L’auteur nous place tour à tour dans la tête de Pietr ou dans celle de Lisbeth, dans le dédale de leurs souvenirs, parfois contradictoires, de leurs réflexions d’où surgissent des bribes de leurs échanges.
Valentin Rossier, directeur de la New Helvetic Shakespeare Company de Genève, adapte cette histoire imprévisible qui démarre comme un conte et finit un peu inquiétante. Il interprète le rôle de Pietr accompagné par Marie Druc pour celui de Lisbeth. Côte à côte, éclairés chacun par un projecteur, accrochés à leur micro comme deux rockers, ils murmurent leur désir, leur découverte du corps de l’autre, l’érotisme de leurs étreintes. Comme des slameurs ils s’accrochent au rythme du verbe, la voix s’accélère, se fait plus douce ou plus écorchée. Des nappes sonores viennent, avec une précision remarquable, ajouter de la poésie et du mystère à ces voix amplifiées par les micros.
Et quand les voix s’arrêtent on reste glacé devant ces deux amants « devenus de parfaits inconnus ».
Micheline Rousselet
Jusqu’au 11 mai à la Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 Paris – du mercredi au samedi à 19h – Réservations : 01 42 33 42 03 ou manufacturedesabbesses.com
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