Dans nombre d’entreprises l’injonction à toujours se dépasser et faire mieux que les autres est permanente. Elle a gagné toute la société, le sport, le logement, la consommation, les relations amicales, l’amour même. Nous passons donc notre temps à compter nos pas, notre objectif au travail, le nombre d’amis que nous avons sur les réseaux sociaux, etc. Mais que se passe-t-il si la courbe s’inverse et que la descente s’amorce ? A l’occasion d’une pièce, jouée à la Cartoucherie de Vincennes, Samuel Valensi et son équipe ont eu des rencontres avec les Petits Frères des Pauvres et l’inversion de la courbe est, à travers le parcours d’un homme, une synthèse de ce qu’il a entendu.

Paul-Eloi est inscrit dans un club de sport où sa coach lui intime « Fixez-vous un objectif et dépassez-le », « Encouragez-vous, ne renoncez jamais ». Poussé par son patron, qui est sur la même ligne, il devient « international sales manager », « commercial » en bon français, mais dans l’entreprise si c’est en anglais c’est mieux ! Son salaire augmente, il s’achète à crédit un appartement avec vue, il a un père qui lui offre systématiquement des livres, alors qu’il lui dit qu’il n’a pas le temps de lire. Il a aussi un ami qui ne cesse de vitupérer contre les taxes, les chômeurs et les fonctionnaires, les seconds nourrissant la hausse des premières. Et puis un jour un homme le double lorsqu’il fait son jogging et celui-ci fait encore mieux que lui dans l’entreprise. Il y vit ! Paul-Eloi perd son emploi, son appartement, ses copains le fuient. Il découvre le chômage, le surendettement, les démarches administratives aussi nombreuses que complexes auprès des banques et de Pôle Emploi et enfin la rue, ultime étape … ou pas !

Ne fuyez pas, ce n’est absolument pas plombant ! Il y a de l’humour et de l’ironie dans cette observation du monde tel qu’il va. Paul-Eloi (interprété par Paul-Eloi Forget) dans son club de sport, très énergiquement encouragé par ses coachs, s’acharne à pédaler sur un vélo d’appartement … qui bien sûr n’avance pas ! Comme en plus il est dépourvu de guidon, c’est un peu mission impossible ! Il écoute son patron, dont le discours élogieux au départ se transforme en : « vous voyez bien que vous n’êtes plus à la hauteur ». Sans avoir besoin de changer de décors, avec juste quelques formules en vidéo et des lumières, on le suit dans l’entreprise, au domicile de son père, au bistrot avec ses copains, au club de sport, dans sa visite d’un appartement, à la banque, à Pôle Emploi et enfin dans la rue. Le rythme ne faiblit pas. Michel Derville, Alexandre Molitor, June Assal, en alternance avec Maxime Vervonck, incarnent tous ceux que rencontre Paul-Eloi Forget. Michel Derville en patron manager sans pitié est impressionnant de dureté et de froideur tout comme June Assal en coach exigeante.

On rit, on s’indigne, on réfléchit et si le héros rebondit à la fin, il sait qu’il n’oubliera jamais la rue.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 octobre au Théâtre de Belleville – 16 Passage Pivert, 75011 Paris –

Réservations : 01 48 06 72 34 – du mercredi au samedi à 21h15


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