À la faveur d’un naufrage deux nobles Athéniens, flanqués de leurs serviteurs, s’échouent sur une île qui s’est débarrassée de l’esclavage. Le maître des lieux, Trivelin, leur impose d’échanger pendant un temps leur condition sociale. Les valets sont invités à prendre la place de leurs maîtres. Iphicrate est un maître fier de sa noblesse, prompt à insulter et à manier le bâton à l’encontre de son valet, Arlequin, à la langue bien pendue et un peu porté sur la bouteille. Euphrosine est, ainsi que la décrit sa servante Cléanthis, une coquette, minaudière et hautaine. Vont-ils inverser les rôles et les valets se venger, en humiliant leurs anciens maîtres ? Trivelin, en homme des Lumières, les prévient contre ce comportement et les informe que, à terme, il décidera s’ils sont autorisés ou non à retourner à Athènes.

Marivaux se révèle dans cette pièce homme des Lumières. Il n’est pas un révolutionnaire prônant l’égalitarisme et le renversement de l’ordre social de son temps. C’est à une réflexion sur les préjugés et l’organisation sociale qu’il nous invite dans ce qui est une comédie. L’homme vaut par ce qu’il est et non par le rang dont il hérite par sa naissance. Pour que maîtres et valets vivent en harmonie, chacun doit respecter l’autre, que les maîtres abandonnent leur orgueil, reconnaissent les vertus et la sagesse de leurs anciens serviteurs et que ceux-ci mettent de côté leur ressentiment et ne cherchent pas la vengeance, que tous enfin se considèrent comme des égaux.

La mise en scène de Didier Long s’adapte parfaitement à la petite salle du Poche. Au début, ce sont les vagues que l’on entend, s’alliant à la musique pour évoquer le naufrage. On ne fait qu’entrevoir une sorte de falaise, qui pourrait être le rivage de l’île, lieu mystérieux de transformation où les rôles vont s’inverser. La mise en scène joue sur la lumière. Rien n’est défini, place à l’imagination du spectateur. Les costumes sont XVIIIème, marquant le rang des personnages et ceux-ci vont les échanger. Les apparitions de Trivelin (Hervé Briaux) se font par la salle comme venues d’ailleurs. Vêtu de noir il est le philosophe qui prône la fraternité et la vertu pour une société plus égalitaire. Pierre-Olivier Mornas campe un Arlequin un peu rustre qui n’abandonne pas sa bouteille, tandis que Frédéric Rose incarne son maître, Iphicrate, sûr de son rang, l’insulte à la bouche, toujours prêt à le corriger. Julie Marboeuf est une Euphrosine, bouche pincée de dédain qui au début semble totalement incapable de s’adapter à cette inversion des rôles qu’on lui impose. Chloé Lambert campe une Cléanthis fine, capable de faire un portrait dévastateur de sa maîtresse, vaine, minaudière, coquette, jalouse. Les scènes de comédie sont bien assurées comme lorsque Pierre-Olivier Mornas se pique d’imiter les manières de son maître pour séduire Cléanthis, avant de déclarer « nous sommes aussi bouffons que nos patrons, mais plus sages ».

Une mise en scène réussie, une interprétation fine et fidèle à la pièce. A la fin de la pièce, au milieu des applaudissements très nourris, on se plaît à imaginer que l’on pourrait crier « l’auteur, l’auteur ! »

Micheline Rousselet

À partir du 24 août – Théâtre de Poche Montparnasse – 75 bld du Montparnasse, 75006 Paris- Réservations : 01 45 44 50 21 ou www.theatredepoche-montparnasse.com – du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h

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