Soit une société où une personne qui accepte d’héberger un réfugié – pas trop confortablement tout de même, il ne faudrait pas qu’il s’incruste – perçoit une indemnité et même une prime supplémentaire s’il se suicide. Un bon migrant est un migrant mort, il ne coûte plus rien, ne crée aucun problème et s’il se suicide, zéro culpabilité, c’est tout bénéfice. Mais attention, « l’accueillante » doit l’inciter, pas l’obliger !

Trois personnages participent à cette fantaisie macabre écrite et mise en scène par Pierre Notte qui en signe aussi la musique : l’hébergeuse, le réfugié et la modératrice en laquelle on peut voir les politiques, la neutralité suisse ou un organisation internationale. On n’est pas dans le drame, mais pas non plus dans la pure comédie. On n’est absolument pas dans du théâtre documentaire (d’autant plus que la pièce se termine en rêve de vivre ensemble !), mais pas non plus dans la farce, même si on atteint souvent des sommets d’humour noir.

Tout se passe dans un espace nu, sans décor et sans accessoires excepté un tabouret, bien que le réfugié parle des « merdouilles » qui encombrent le logement de l’hébergeuse. Quelques traits au sol et le jeu des lumières permettent au spectateur d’imaginer le lit, la porte, la fenêtre par laquelle la logeuse espère que le réfugié aura l’amabilité de se jeter, comme elle l’y encourage « je ne vous retiens pas ». Les passages au noir, les gestes des acteurs, quelques pas de danse, des bribes de musique font le reste.

Tout passe dans le jeu des acteurs, même si le choix de faire jouer Clyde Yeguete, qui interprète le réfugié, se tortillant comme un pantin manipulé, n’est pas très convaincant. Muriel Gaudin est « l’accueillante ». Elle ne cesse de répéter qu’elle est chez elle, ne supporte plus ce réfugié qui corrige ses fautes de syntaxe et prétend s’asseoir sur sa chaise, elle demande qu’on le reprenne et qu’on lui en donne un autre. Elle est impressionnante de mauvaise foi et de cynisme. Sylvie Laguna est « la modératrice », ce qui ne l’empêche pas de protester qu’elle est actrice et pas modératrice (« Je n’ai tout de même fait le Cours Florent pour ça … J’ai même joué des textes engagés, mais alors là !»). L’entendre marchander avec l’accueillante les primes ou le nettoyage après suicide est un sommet de cette comédie noire.

Même si on peut regretter le « tout finit bien » final que l’auteur justifie en disant « on fonce droit dans le fond du pire pour chercher aussi un peu de lumière », il y a un côté jouissif dans cette dénonciation hargneuse et saignante de notre impuissance et de notre inaction sur la question de l’accueil des réfugiés.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 janvier au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin Roosevelt, 75008 Paris – du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30 –

Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr

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