Cette fois, Cassandre devrait être crue puisque sa prophétie ne porte pas sur l’avenir mais sur le présent et le passé ! Nous savons déjà que ce qu’elle dit est vrai : la violence des États décideurs de guerre, celle des soldats violeurs, celle des pédophiles, celle de femmes infanticides. Et pourtant nous entendons mal cette nouvelle Cassandre, alors elle crie ! Elle crie pour dénoncer le monstre Léviathan celui marin de la mythologie phénicienne, celui politique de l’État tout puissant que Hobbes (1588-1679) conçoit pour mettre fin à « l’homme est un loup pour l’homme » ? Le monstre de toute violence, un monstre que Cassandre fréquente de si près qu’il en transforme sa voix en la rendant grave et virile et met son corps en furie !

Comment arrêter la violence qui partout, impose son règne injuste, destructeur et ravageur ? Répondre par la violence ? Le piège. Ne pas répondre mais faire entendre toutes les violences en incarnant aussi bien les victimes que les bourreaux, reprendre la violence à son compte mais sur la scène, là où elle est sublimée, exprimée et désarmée peut-être…

Cassandre est une figure grecque, fille de Priam, roi de Troie, et d’Hécube, c’est dire quelle a la violence en héritage : « Elle rêvait la nuit de la guerre à venir ». Gwendoline Destremeau n’est pas grecque mais elle a l’art de convoquer la référence antique aussi bien dans ses spectacles – déjà dans Eurydice aux Enfers, Coup de cœur du Off 2022 – que dans son art dramatique qui renoue avec la catharsis aristotélicienne : jouer la violence des passions pour en purger l’âme humaine, les corps.

Sur scène, Clara Koskas est une Cassandre idéale, à la fois douce dans sa façon de dire la vérité de la violence des hommes et rageuse dans l’accusation qui va avec. Elle personnifie à merveille la purgation des pulsions d’agressivité qui s’agitent en tout corps ; de la délicatesse à la colère, sa voix mute et devient acérée, tonitruante. Elle est accompagnée au plateau de la violoncelliste Ariane Issantel qui traduit justement la douceur comme la douleur, la paix comme la guerre. Le violoncelle joue strident, la violence, elle, est exaltée et dépassée.

La compagnie De l’eau qui dort dirigée par Gwendoline Destremeau qui signe également la mise en scène de Léviathan, nous offre un spectacle fort et de qualité, la puissance du travail est au service du contenu et de la forme.

Il faut aller entendre, voir et croire enfin Cassandre !

Jean-Pierre Haddad

Avignon Off. Artéphile, Bulle de création contemporaine, 7 rue du Bourg Neuf, Avignon. Du 3 au 21 juillet 2024 les jours impairs à 14h50. Relâche le mardi 9 juillet. Réservations : https://artephile.com/mevents/leviathan-artephile-off-24/

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