1914, Jean l’instituteur part à la guerre, laissant derrière lui sa femme et ses deux jeunes enfants. Pendant toute la durée de la guerre ils vont s’écrire. Dans les lettres de Jean passent l’espoir d’une victoire rapide, les rires avec les camarades qui laissent bientôt place à la peur avec les premiers combats, les souffrances dans la boue et le froid, la douleur face à la mort des copains et à cette guerre qui devait être gagnée si vite et qui n’en finit pas, et enfin la révolte contre ces officiers qui cherchent la gloire au mépris de la vie des hommes. Dans les lettres d’Élise on entend la souffrance des femmes obligées d’assumer toutes les tâches, au foyer, aux champs, en remplacement des instituteurs partis au front ou des ouvriers dans les usines d’armement, contraintes de consoler le chagrin des enfants tout en supportant le leur.
Yves Beaunesne a imaginé une très belle mise en scène pour ce texte de Jean-François Viot, inspiré de correspondances réelles. Au fond du plateau des panneaux translucides se couvrent peu à peu des cartes géographiques montrant l’évolution des entrées en guerre et des fronts dessinées par Jean, puis des dessins qu’envoient les enfants à leur père, Camille et Arthur bientôt rejoints par une petite Jeanne. Derrière les panneaux, en transparence, Élise raconte les transformations de la vie au village, le café qui n’ouvre qu’après la sortie des classes, les femmes organisant un atelier de tricot pour envoyer des chaussettes à leurs hommes. Parfois Élise rejoint Jean devant les panneaux translucides. La parole circule rapidement de l’un à l’autre. Le ton devient plus grave au fur et à mesure que les années se succèdent. Sur le front les fraternisations de Noël 1915 ont fait place à des combats sanglants, la contestation de la guerre gagne avec les premiers fusillés pour l’exemple. À l’arrière les rapports de classe se tendent.
Élie Triffault et Lou Chauvain donnent à cette correspondance de la couleur, de la gaîté parfois, de la tristesse souvent, de l’émotion toujours. Ils sont formidables. Ils ne nous font pas un cours d’histoire, c’est la vie qui frémit dans leurs échanges. On n’y entend pas seulement l’Histoire mais aussi l’amour et la peur de perdre l’être aimé. Tout est là et c’est très beau.
Micheline Rousselet
Les lundis, mercredis, vendredis à 20h30, les jeudis et samedis à 19h, les dimanches à 17h
L’Atalante
10 place Charles Dullin, 75018 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 46 06 11 90
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