En 2016 Anne Pingeot publie chez Gallimard les 1218 lettres que François lui a adressées de 1962 à sa mort. Patrick Mille, qui a découvert après la mort de sa mère les nombreuses lettres que son père lui avait écrites, a eu l’idée de les adapter pour les mettre en scène avec Benjamin Guillard. Seul en scène, il n’en fait pas une simple lecture mais un spectacle à part entière. La chanson de Leny Escudero Pour une amourette et les mots d’Anne Pingeot dits par Irène Jacob en voix off ouvrent le spectacle sur fond d’images de l’arrivée de la dépouille du Président et de ses obsèques à Jarnac.
Tout au long de cette représentation, Patrick Mille nous fait découvrir à travers ces lettres brûlantes de passion, un Mitterrand intime loin de la posture de l’homme d’état froide et distante. Sans tomber dans l’imitation, il nous fait entendre avec une diction impeccable, de belles modulations de voix et parfois un certain humour, l’amour absolu, la puissance du désir, les incertitudes et la jalousie de l’ancien président conscient de la différence d’âge entre lui et la femme aimée. Il veut lui laisser toute sa liberté mais en souffre. Par les expressions de visage, le comédien rend aussi particulièrement bien la grande joie que procure à Mitterand la naissance de sa fille Mazarine. Les images d’archives qui défilent en arrière-plan sur grand écran rappellent les étapes de sa vie politique, de la conquête du pouvoir et de la fonction présidentielle chronophage. Apparaissent aussi des images plus intimes : paysages de leur rencontre, photos d’Anne Pingeot. Le décor unique (bureau, fenêtre suspendue, lit) représente les différents lieux de ses échanges épistolaires avec Anne Pingeot (circonscription de la Nièvre, maison des Landes et palais de l’Elysée).
Tout l’intérêt réside essentiellement dans la très belle prestation de Patrick Mille qui nous fait entendre l’homme de lettres qu’était François Mitterrand. Comment ne pas être sensible aux références littéraires à Montaigne, dont une citation ouvre le spectacle, à Pascal qu’il lit avant de mourir, à Aragon qu’Anne et lui admiraient ? On retiendra également les moments d’humour notamment celui où il raconte sa présence décalée au milieu des hippies lors d’un concert dans les années 70 à San Francisco.
Frédérique Moujart
Jusqu’au 19 décembre à18h30 puis du 21 au 31 décembre à 20h30. Relâche les lundis et le 25 décembre – Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8ème – Réservation 01 44 95 98 21
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