Daisy et Violet, sœurs siamoises attachées ensemble par le bas de la colonne vertébrale ont vraiment existé. Enfants illégitimes nées en 1908, abandonnées par leur mère persuadée que leur handicap était une punition divine, elles furent adoptées par la sage-femme qui les avait fait naître et a tout de suite compris le profit qu’elle pourrait en tirer. Exploitées d’abord par leur mère adoptive qui les exhibera dès leur plus jeune âge, elles le seront après la mort de celle-ci par le couple Myer Myers qui les présentera dans les plus grands cirques américains. Elles deviendront des vedettes de Broadway, joueront dans le film Freaks de Ted Browning et rencontreront le célèbre magicien Houdini qui leur apprendra à se séparer mentalement, ce qui leur permettra d’avoir tout de même une vie amoureuse. Puis la mode passera, les embauches se tariront, elles deviendront effeuilleuses dans un bouge miteux avant de finir caissières dans une épicerie et de mourir dans la misère à trois jours d’intervalle.

On connaît le goût de Valérie Lesort et de Christian Hecq pour les « monstres », ces êtres en marge de la société qui fascinent, effraient et tout à la fois font rire et dégoûtent. La vie des sœurs Hilton ne pouvait que les attirer. Leur mise en scène s’inscrit résolument dans l’univers du cirque et du cabaret. Tout est rouge et le rideau peut s’ouvrir au centre sur une entrée des artistes d’où, comme par magie vont surgir, au fil des années qui passent égrenées en haut du rideau rouge, des univers différents. Le ton est au burlesque. Dès le début, comme une sorte d’hommage à Pathé Marconi, un chien, Charlie l’aboyeur, se place devant le micro déposé sur le plateau, le lèche tandis qu’une voix en sort demandant aux spectateurs de bien vouloir éteindre leur téléphone portable. Christian Hecq surgit ensuite telle une Madame Hilton monstrueuse qui dans une scène digne du grand-guignol, va accoucher la mère des deux sœurs.

Deux comédiennes, Valérie Lesort et Céline Milliat-Baumgartner incarnent les deux sœurs de leur naissance à leur mort, deux petites têtes émergeant d’un landau, puis vagabondant bien attachées l’une à l’autre à quatre pattes avec leurs robes d’enfant et leurs couettes, attrapant des sucettes sur un manège. Elles les échangeront au gré des différents tableaux contre des tenues de cirque, des robes de ville et enfin des chemises de nuit de vieilles dames. Elles arrivent à danser à l’unisson puisque des numéros de danse et de chants ponctuent le spectacle, sans oublier de la magie. Elles sont accompagnées par un duo de garçons tout de rouge vêtus, Christian Hecq et le magicien Yann Frisch, qui jouent tous les autres rôles y compris ceux de clown, de magicien et de musicien (avec en plus Renaud Crols).

Même si l’attention s’effiloche un peu au gré des tableaux on reste admiratifs devant la scénographie et les costumes (Vanessa Sannino), la mise en scène et le jeu des comédiens. L’atmosphère du cirque et du cabaret, qui devient une vraie famille pour ces « monstres » à qui elle a souvent manqué, n’empêche pas la cruauté de suinter de temps à autre comme lorsque le réalisateur de Freaks révèle aux deux sœurs qu’elles ne peuvent pas déjeuner à la cantine avec les techniciens du film car ceux-ci ne veulent pas partager leur table avec « des monstres ». Toutefois la dominante burlesque, si elle semble réjouir le public, finit par tuer l’émotion qui devrait naître de ce destin hors du commun et c’est dommage.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 3 novembre au Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, bd de la Chapelle, 75010 Paris – du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h – Réservations : www.bouffesdunord.com – en tournée ensuite : 19 et 20 novembre au Théâtre Edwige Feullière à Vesoul, 23 et 24 novembre à l’Espace Marcel Carné à Saint-Michel-sur-Orge, 28 et 29 novembre au Bateau Feu à Dunkerque, 2 et 3 décembre au Cadran TANGRAM à Evreux, du 6 au 14 décembre au CADO d’Orléans, nombreuses autres dates en région en janvier et février

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