En 1978 François Cavanna, cofondateur de Hara-Kiri puis de Charlie Hebdo, publiait Les ritals. Il y racontait son enfance dans le quartier italien de Nogent-sur-Marne où son père, immigré après la première guerre mondiale, s’était installé comme maçon avant d’épouser une Française. Il y faisait surtout un joli hommage à ce père et à ce quartier qui embaumait l’odeur du café et résonnait de chansons et du son de l’accordéon, qui bruissait de la sonorité de l’italien et des cartes que les joueurs claquaient bruyamment dans les cafés.

Une table couverte d’une toile cirée et une veste de travail bleue suspendue à un cintre créent le cadre où Bruno Putzulu fait vivre le texte de François Cavanna. Cette création est une affaire italienne puisque Bruno Putzulu, lui-même fils de Sarde, est mis en scène par son frère Mario et que Gregory Daltin, d’origine italienne, a créé une musique pour l’accordéon très inspirée par les traditions familiales.

Bruno Putzulu, ex-comédien du Français, se glisse dans tous les personnages et fait vivre toutes les ambiances du quartier. Le texte de Cavanna est vivant, charnel, chaleureux et drôle. On rit de ce père qui répare les mètres pliants cassés, en reliant les branches sans trop se préoccuper des nombres inscrits puisqu’il suffit de compter les branches pour s’y retrouver ! Mais, si on est attentif, on entend aussi des remarques vécues sur ce que les sociologues nommeront plus tard les transfuges de classe. L’auteur y dessine le portrait d’un gamin qui part au café main dans la main avec son père, un gamin qui aime les virées à vélo avec les copains, le cinéma et les livres. Dans ce quartier où les langues se mêlent, tout comme les musiques de Tino Rossi à Piaf, on trouve une chaleur humaine et un esprit de solidarité que l’on regrette parfois aujourd’hui. L’accordéon, qui accompagnait souvent les Italiens dans leur départ vers un autre pays, joué par Sergio Tomassi, en alternance avec Aurélien Noël, dialogue avec l’acteur. 

Portrait d’une petite Italie dans une banlieue française des années 30, où l’on entend des paroles, toujours d’actualité hélas, sur ces « étrangers qui viennent manger le pain des Français » ou sur ces « graines de fascistes » (recyclés aujourd’hui en « graines de terroristes »). C’est vivant, drôle et émouvant.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 octobre au Théâtre du Lucernaire – 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 18h – Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr

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