C’est l’histoire de quatre étudiants en 1970 à Téhéran, hostiles au shah et pleins d’espérance sur le régime qui adviendra après sa chute. C’est l’histoire de deux jeunes filles et de leur mère, invitées par un ami à Avoriaz pour le passage à l’an 2000. C’est aussi un conte écrit par un poète persan du Xème siècle que tous les Iraniens connaissent par cœur Bijan et Manijeh, justement les noms de deux des étudiants.
La pièce de l’Iranienne Aïda Asgharzadeh très remarquée à Avignon dans le off en 2021 et 2022, imbrique deux époques, l’Iran des années 1970 et Avoriaz en 2000 pour nous parler des révoltes avortées de la jeunesse iranienne, de ses désillusions politiques, des douleurs de l’exil et des drames familiaux. Elle a l’art de passer du drame à la comédie, sans s’appesantir mais sans légèreté non plus, des manifestations de Téhéran aux gaufres à la marijuana, de la prison de Téhéran aux boîtes de nuit d’Avoriaz. Elle s’est appuyée sur sa propre histoire, sa colère contre sa famille, pas assez française à son goût de petite fille, jusqu’au jour où elle a compris ce que l’exil cachait de douleurs et de culpabilité face à ce qui est advenu en Iran.
Pour la mise en scène Aïda Asgharzadeh a fait appel à Régis Vallée, qui avait avec succès déjà mis en scène sa pièce précédente La main de Leïla. Vieux complice d’Alexis Michalik, il partage avec lui l’art de passer avec fluidité d’un lieu à un autre, d’une époque à l’autre. Des vidéos d’actualité nous emmènent au couronnement du shah ou à l’arrivée triomphale de Khomeini. Pour ne pas rompre la rapidité du rythme, ce sont les acteurs qui déplacent les éléments de décor nous conduisant de la bibliothèque de Téhéran au chalet d’Avoriaz par exemple. Les histoires familiales s’inscrivent dans l’histoire iranienne mais on reste sous le charme du conte oriental avec l’histoire d’amour de Bijan et Manijeh mais aussi de nos contes, avec l’arrivée d’une bague cachée dans le pain. La pièce commence d’ailleurs par le « il était une fois » des contes, dit en persan par un des acteurs tandis que s’élève la musique du luth traditionnel iranien.
Les acteurs, Aïda Asgharzadeh, Ariane Mourier, Toufan Manoutcheri, Sylvain Mossot, Kamel Isker et Aziz Kabouche donnent vie à cette épopée, passant avec fluidité d’un rôle à l’autre et glissant avec virtuosité de la comédie au drame. L’émotion ne faiblit pas, on rit, on pleure et on s’enthousiasme. Une belle réussite.
Micheline Rousselet
À partir du 24 août au Théâtre des Béliers Parisiens – 14 bis rue Sainte-Isaure, 75018 Paris – du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h – Réservations : 01 42 62 35 00
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