Rechercher ses origines quand on est une enfant adoptée c’est fréquent. Hortense n’a jamais éprouvé le désir de le faire. C’est sa fille Violette qui l’y encourage et va l’accompagner dans cette recherche qui la mènera jusqu’à un lebensborn, ces maternités imaginées par Heinrich Himmler comme un pendant des camps d’extermination au service de la création d’une race aryenne pure. Dans ces lebensborn (que l’on peut traduire littéralement par « fontaines de vie ») naissaient des enfants destinés à fournir l’élite du « Reich de mille ans » promis par Hitler. Mères et pères, souvent des SS ou des soldats allemands, étaient reconnus comme purs aryens. D’abord implantés en Allemagne et en Autriche ils essaimèrent ensuite dans les pays conquis, surtout au Nord de l’Europe. Aux enfants qui y sont nés s’ajoutèrent des enfants volés aux caractéristiques physiques jugées aryennes. Vingt mille enfants en sont issus. Hortense fut une de ceux là.
Ces enfants ont souvent grandi dans le mensonge, leurs parents adoptifs, quand ils ont été adoptés, leur cachant la réalité de leur naissance dans des établissements qu’on a parfois qualifié de haras humains. Au fur et à mesure que son enquête lui révèle des fragments de ses origines, Hortense passe d’une hypothèse à l’autre.
Séverine Cojannot, Camille Laplanche, Matthieu Niango et Jeanne Signé ont écrit collectivement ce texte sur un sujet souvent peu connu, encouragés par le fait que la mère de l’un d’entre eux était une enfant des Lebensborn. Le texte capte l’attention, filant d’une question à l’autre pour Hortense. Qui était sa génitrice, une Juive, une collabo, une femme qui l’a abandonnée ou l’a recherchée ? Cet homme rencontré aux Archives en Allemagne pourrait-il être son frère ? Et son père qui était-il ?
Dans la mise en scène de Jeanne Signé, des cartons d’archives sont dispersés sur le plateau comme les fragments du puzzle des origines qu’il faut mettre en ordre. Des photos vont apparaître nichées au creux des cartons, éclairées de l’intérieur, représentant des enfants avec des sourires, des moments de fraternité entre enfants, y compris avec des enfants juifs regroupés avec eux dans le même centre humanitaire après l’évacuation des Lebensborn par les Alliés. Jouant sur la lumière qui éclaire une partie ou une autre du plateau, la metteuse en scène passe d’un groupe ou d’un lieu à un autre.
Quatre comédiens (Florence Cabaret, Séverine Cojannot, Samuel Debure et Nadine Darmon), tous très convaincants, jouent la dizaine de personnages qui, à travers la quête d’Hortense, font vivre l’histoire et la douleur de ces enfants orphelins de l’histoire.
Une pièce intéressante et réussie où la question de l’identité, le dialogue entre mère et fille croisent celles du racisme et du fanatisme et interroge sur la place des femmes et des enfants dans l’Histoire, sujet encore souvent peu traité.
Un sujet particulièrement adapté pour les enseignants et leurs élèves, d’autant plus que plusieurs bords de plateaux sont organisés certains soirs avec des personnalités, dont l’historien Johann Chapoutot, spécialiste du nazisme.
Micheline Rousselet
Du 10 février au 9 mars au Théâtre de la Reine Blanche, 2 bis passage Ruelle, 75018 Paris – mardi et jeudi à 19h, le samedi à 18h – Réservations : 01 40 05 06 96 ou www.reineblanche.com – Renseignements sur les bords de plateaux sur le site de la Reine Blanche
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