Dans ces années 60, années d’insouciance, de bien-pensance et de misogynie, ordinaire mais envahissante, trois speakerines, Catherine, Jacqueline et Suzy présentent, comme chaque jour, toutes les émissions de la journée. Mais ce jour n’est pas comme les autres puisque c’est celui où la télé va passer à la couleur. Tout doit aller pour le mieux mais les problèmes techniques s’accélèrent, coupures de son, image qui hoquette, etc. Nos speakerines, avec leur chignon choucrouté, leur talons hauts, leur tenue impeccable et leur collier de perles vont devoir faire face en femmes-orchestres avisées.
S’inspirant des archives de l’ORTF, la metteuse en scène Léonie Pingeot nous accompagne à la découverte de l’envers du décor, avec les accidents du direct et les petites tricheries de la télévision. S’appuyant sur les publicités et la musique des années 60, elle a la bonne idée de faire appel au maître de l’absurde Pierre Dac, qui dynamitait les émissions auxquelles il participait à coup de calembours, d’aphorismes délirants et de loufoqueries variées, du jeu du Schmilblick à la recette du waterpudding. Trois comédiennes-chanteuses, Julie Badoc (en alternance avec Kim Schwarck), Léa Dauvergne et Lisa Garcia et un pianiste tout aussi loufoque, Didier Bailly (en alternance avec Daniel Glet) se lancent dans l’annonce des programmes, les pubs chantées, le bulletin météo qui glisse de « nuageux à pas très beau » avant de finir en « vraiment moche » sans oublier les jeux et les recettes de cuisine absurdes imaginées par ce dynamiteur de sérieux que fut Pierre Dac. Si elles chantent « avec la purée Blondi, je suis sûre qu’il n’y aura pas d’accident », c’est moins sûr avec le passage à la couleur, mais elles font face avec sang-froid « aux aléas du direct » !
À l’heure où une candidate à la Présidentielle proposait de privatiser les chaînes publiques, où la télé-réalité a envahi les écrans et où les fake-news s’étalent ouvertement sur les écrans de nos téléphones, il est assez réjouissant de se replonger dans l’ORTF des années 60 avec ce spectacle chanté, déjanté et gai.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 12 juin au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du 20 avril au 8 mai du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 16h, du 11 mai au 12 juin du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 16h –
Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr
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