Dans un grand appartement parisien, « une roulotte habitée par des fous » dit Léo, Yvonne 45 ans ne peut supporter que son fils de 22 ans, Michel, veuille la quitter. Diabétique et accro à l’insuline, elle délaisse son mari Georges pour ce fils qu’elle idolâtre, qui a décidé de l’appeler Sophie, et dont elle dit être l’amie. Avec eux vit la sœur d’Yvonne, Léo. Elle a aimé Georges qui lui a préféré Yvonne autrefois. Elle entretient tout ce petit monde et tente d’y mettre un peu d’ordre. Michel a découché sans prévenir sa mère morte d’angoisse. Il lui avoue qu’il est amoureux d’une jeune fille, Madeleine, qu’il souhaite lui présenter. Mais Yvonne folle de jalousie refuse de la rencontrer jugeant que c’est une « vieille » (elle a deux ans de plus que Michel) et une « putain ». La situation se corse quand il apparaît que le « vieil amant », qui avait aidé financièrement Madeleine avant sa rencontre avec Michel, n’était autre que Georges. Les parents vont-ils réussir à condamner au désespoir les deux jeunes amoureux en empêchant leur union ?

Jean Cocteau après l’échec critique de ses deux pièces précédentes veut écrire une pièce qui réponde aux attentes du public populaire. Il décide d’utiliser les codes du vaudeville mais un vaudeville sulfureux où il démolira le portrait conventionnel de la famille en en révélant les travers et les aliénations. Ce sera Les Parents terribles, pièce écrite en 1938 mettant en scène une famille d’oisifs où règne le désordre, celui des lieux et celui des sentiments.

Alors que, pour sa parution après la guerre en livre de poche, Jean Cocteau avait édulcoré le texte original présenté sur scène en 1938, le metteur en scène Christophe Perton a choisi de s’appuyer sur le manuscrit original proche de celui retenu pour sa parution dans la Pléiade. Les répliques y claquent, brillantes, crues, démontant avec ironie les désordres amoureux de cette famille bourgeoise, où planent les ombres d’Oedipe et de Médée.

La scénographie de Christophe Perton installe Yvonne dans une grande chambre à coucher avec deux placards débordants de vêtements et ouvrant sur une salle de bain. C’est là qu’elle vit et que viennent la voir son mari Georges, son fils Michel et Léo sa sœur et confidente. Elle ne quittera sa robe de chambre que pour se rendre, totalement à contre-coeur, chez Madeleine en compagnie de la smala familiale.

Trois comédiens magnifiques incarnent les trois monstres qui dominent la pièce. Maria de Medeiros est Léo. La coiffure et la tenue impeccables, elle veut remettre de l’ordre dans cette famille dysfonctionnelle, au propre – elle range – comme au figuré – elle tente de ramener Yvonne à sa place de mère et Georges à celle de père. Avec une franchise cruelle et refusant tout sentimentalisme elle se révèle en manipulatrice guidant l’action et les affects de tous. Charles Berling est Georges, infantile, fuyant devant les problèmes avec une lâcheté que viennent parfois rompre des sursauts d’autoritarisme à contre-temps. Émouvant dans sa solitude et son besoin d’amour, il peut aussi devenir cruel et froid. Muriel Mayette-Holtz porte la folie d’Yvonne à l’extrême. La tenue et la coiffure aussi désordonnées que celles de sa sœur sont strictes, elle cajole son fils comme s’il était un enfant, minaude pour le retenir ou explose de jalousie refusant qu’il puisse être tombé amoureux. Monstrueuse dans son égoïsme, son indifférence aux sentiments de son mari ou de sa sœur, trouvant tous les prétextes pour nier la réalité, elle se refuse à vieillir et à passer au statut de mère et se considère comme trahie par ce fils qui prétend aimer une autre qu’elle. Elle est magnifique. Émile Berling et Lola Créton complètent avec talent la distribution. La fulgurance des répliques de Cocteau est ici admirablement servie.

Micheline Rousselet

À partir du 22 février au Théâtre Hébertot, 78 bis bld des Batignolles, 75017 Paris – du mercredi au samedi à 20h30, le samedi à 15h et le dimanche à 15h30 – Réservations : 01 83 87 23 23 ou theatrehebertot.com

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