Jean Céline Borel, dramaturge et metteur en scène, nous met face à cinq soldats dans le huis clos d’un mirador situé entre jungle et océan dans un lieu indéfini. Un lancer de dés les a désignés pour tenir la garde pendant que leur régiment partait ailleurs. Dans l’attente d’une relève qui ne viendra pas, ils se retrouvent enfermés dans ce lieu clos face à eux-mêmes.
Le spectacle s’ouvre sur un décor sombre, minimaliste (trois tabourets, une table basse) avec une voix off qui crie leur dénuement : j’ai soif, j’ai faim, j’ai peur… Ils échangent et s’affrontent dans un voyage initiatique au bout de l’enfer. Une tension dramatique insupportable qui nous bouleverse s’installe petit à petit et va monter en puissance tout au long de la pièce. Chacun se révèle en racontant son passé, ses espoirs, ses rêves, ses fantasmes, ses frustrations, ses peurs : un condensé de la condition humaine avec le très jeune appelé inexpérimenté (Clémence Barbey), le faible, fragile (Thomas Perriau-Bébon), l’éternel veilleur (Romain Pichon), l’hautboïste sensible (Clément Durécu) et le monstre raciste, homophobe devenu meurtrier sans état d’âme (Nicolas Nasciet). Tous entrent parfaitement dans leur personnage et nous conduisent dans la spirale mortifère de leur chute inexorable.
Le texte, la mise en scène et le jeu remarquable des acteurs font des Oubliés un spectacle profondément émouvant, angoissant d’une noirceur sépulcrale avec des moments de pure poésie. Nous recommandons vivement cette pièce poético-philosophique dont personne ne sort indemne.
Frédérique Moujart
Jusqu’au 31 janvier 2023 les dimanche, lundi et mardi à 21h-Théâtre Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs. Paris 1er – Réservation : 01 42 36 00 50 ou www.lesdechargeurs.fr
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