Contrairement à ce que le titre pourrait faire penser, Les Moments doux s’intéressent à la violence sous toutes ses formes, visibles ou invisibles dans notre société, à l’école, dans la famille ou au travail. La compagnie Babel que dirigent Elise Chatauret et Thomas Pondevie sont partis, comme à leur habitude, d’entretiens menés avec leurs comédiens auprès d’une soixantaine de personnes dans le monde du travail (employés, cadres et chefs d’entreprise), dans celui de l’école (immersion dans une classe de CM2 et dans un lycée hôtelier), avec des particuliers mais aussi des rencontres avec des experts (historien, philosophe, sociologue, avocat). Cela aboutit à un théâtre entre réalité et fiction d’une très grande justesse

La pièce s’ouvre sur un groupe de personnes en colère déchirant la chemise blanche d’un homme. Cela fait référence à l’affaire des « chemises arrachées des dirigeants d’Air France le 5 octobre 2015, point de départ de l’idée du spectacle. Ce geste avait alors été condamné presque unanimement par les médias et les représentants du pouvoir. On entend d’ailleurs Manuel Valls, le premier ministre de l’époque, parler « d’œuvre de voyous d’une violence inqualifiable » alors que cet acte fait suite à l’annonce de la suppression de 2900 postes. La violence physique qui frappe les esprits paralyse la réflexion et l’analyse critique. Est-il vrai, comme l’a dit Franck Raimbaud, directeur juridique d’Air France, que « rien ne peut justifier le recours à la violence physique ? Quelles sont les violences invisibles au travail, dans la famille, dans les relations sociales qui traversent nos existences et font surgir la violence physique ? Y a-t-il des violences qui seraient légitimes et d’autres non ? Ce sont toutes ces questions d’une brûlante actualité que le spectacle nous pose et qu’il met en scène.

La scénographie extrêmement bien pensée de Charles Chauvet reproduit sur scène ces divers espaces où naît la violence : une salle de classe, un salon avec une étagère et un lit pour l’espace familial, un bureau type open-space avec au fond un jardin d’intérieur. Les saynètes s’enchaînent à un rythme soutenu avec les six comédiens (François Clavier, Solenne Keravis, Samantha Le Bas, Manumatte, Julie Moulier, Charles Zévaco), tous excellents, qui passent d’un rôle à un autre en un clin d’œil. Dans une salle de classe, les élèves réfléchissent à ce qu’est un rapport de force devant l’image d’un kangourou qui attaque une abeille qui le menace sous l’œil sidéré du lapin. Une jeune fille confie à ses camarades les violences sexistes qu’elle subit. Un enfant raconte à ses parents comment un de ses camarades l’a tapé et ses parents lui reprochent de ne pas s’être défendu alors qu’ils lui avaient toujours dit de ne pas recourir à la violence. Mais le spectacle développe surtout les violences dans le monde du travail : plans de licenciement, abus de management qui touchent l’entreprise et même les compagnies théâtrales.

Un spectacle pour adolescent.e.s et adultes qui aborde avec une grande sensibilité et intelligence le thème, ô combien d’actualité, de la violence. Il aura en plus le grand mérite de déboucher sur des discussions animées.

Frédérique Moujart

Jusqu’au vendredi 20 octobre à 20h du mardi au vendredi, à 18h le samedi et à 16h le dimanche au Théâtre des Quartiers d’Ivry – 1 place Pierre Gosnat, Ivry sur Seine (94) – Réservations : 01 43 90 11 11 ou www.theatre-quartiers-ivry.com – le 24 janvier 2024, L’Equinoxe, Scène Nationale de Châteauroux – le 30 janvier 2024, Théâtre Molière, Scène Nationale de Sète – le 6 février 2024, Le Théâtre Mâcon, Scène Nationale – le 9 février 2024, Théâtre de Villefranche- sur- Saône – le 1er mars, Fontenay-en-scène, Fontenay-sous-Bois – du 4 au 5 avril 2024, MC2 Scène Nationale de Grenoble


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