Guillaume Vincent aime les contes et les mythes. Il l’avait déjà prouvé avec Songes et Métamorphoses où il explorait les Métamorphoses d’Ovide. Rien d’étonnant donc à ce qu’il se penche sur Les Mille et Une Nuits . Il commence donc par Shéhérazade, cette jeune fille épousée par le Roi sanguinaire Schahriar, qui après avoir décapité sa femme infidèle, avait décidé d’épouser chaque soir une jeune vierge et de la décapiter au matin. Shéhérazade a l’idée pour mettre fin au massacre de captiver chaque nuit son royal époux par un conte qu’elle interrompt au matin, l’obligeant ainsi à lui laisser la vie sauve pour connaître la suite. Sur scène donc quatre mariées en robe blanche assises. Comme dans une administration, quand une lumière s’allume au-dessus de la porte et que retentit la sonnette, l’une d’elle se lève, passe la porte et disparaît remplacée par une autre. Cette porte ouvre sur un escalier et des murs d’un blanc si éblouissant que cela en devient angoissant et qui, à mesure des sorties, se couvrent de sang, car trois ans se sont ainsi écoulés avec leur lot de décapitations.

Théâtre : Les mille et une nuits
Théâtre : Les mille et une nuits

Enfin, car ce prologue paraît un peu long, arrive Shéhérazade avec son fabuleux répertoire d’histoires, d’autant plus merveilleux que le recueil s’est constitué sur plusieurs siècles à partir de traditions orales venues de Perse, d’Inde, de Chine et bien sûr du monde arabe. Des poèmes d’amour y côtoient des histoires où des personnages échappent à leur destin ou passent à côté, où la cruauté et la violence partagent la scène avec l’amour, où la sensualité côtoie le grivois, où il est souvent question d’exil et où le tragique frôle parfois le burlesque.

Guillaume Vincent a retenu une douzaine de contes et ce qui a guidé son choix c’est la capacité de les adapter pour la scène en laissant aux spectateurs une part d’imaginaire. Lorsqu’on pense à ces contes, on pense à l’Orient et on ne peut échapper à ce qui s’y passe aujourd’hui, d’autant plus qu’il y est souvent question d’exil. Mais le metteur en scène a souhaité nous perdre dans le labyrinthe des contes, on voyage de la Bretagne à l’Égypte et l’on termine à Paris. Cette rencontre entre l’Orient et l’Occident se retrouve aussi dans la langue, l’arabe se mêlant au français, et dans la musique, la sensualité du oud ou de la voix féminine se mêlant aux sonorités acides de la bombarde. On n’échappe pas non plus à la question des femmes. Certes le vizir a pouvoir de vie et de mort sur les femmes, mais les femmes résistent et l’icône Schéhérazade se sauve ainsi que ses consœurs par son courage, sa culture et son talent de conteuse. Et si cela commence par des femmes décapitées, à la fin ce sont les hommes qui se font émasculer !

Comme dans les contes, il y a des moments apaisés, des moments où le rythme s’accélère, de la crainte, des rires, de l’émotion. Avec ses dix-sept acteurs et actrices il nous entraîne dans l’Orient dont nous rêvons et dans celui plus sombre d’aujourd’hui. Les histoires s’enchaînent, s’emboîtent, on se perd d’autant plus que l’auteur-metteur en scène nous promène d’ici à là, d’hier à aujourd’hui. On voit ainsi apparaître Oum Kalthoum, la chanteuse égyptienne de légende capable, comme Shéhérazade, de retenir ceux qui l’écoutaient des heures durant. Il faut accepter d’entrer dans ce labyrinthe car l’ensemble est sinueux, mais quel plaisir !

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h

Odéon-Théâtre de l’Europe

Place de l’Odéon, 75006 Paris

Réservations : 01 44 85 40 40


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