Philaminte, sa sœur Bélise et sa fille aînée Armande se piquent de philosophie, de science et de poésie et sont tombées sous la coupe d’un pédant, faux savant et poète plagiaire, Trissotin. La cadette Henriette préfère l’amour à la philosophie et veut, avec le soutien de son père Chrysale et de son oncle, épouser Clitandre qui l’aime, alors que sa mère a choisi pour elle Trissotin pour sceller son alliance avec la science et la philosophie.

On peut trouver curieux que plusieurs metteurs en scène se retrouvent en ce début d’année à monter Les femmes savantes. En effet certains ont pu voir dans cette comédie un discours sur l’inutilité de l’éducation des filles, ce qui en cette période apparaît plutôt malvenu. Chrysale ne dit-il pas des femmes : « leur philosophie doit être de savoir mener la maison, leur livre, du fil et une aiguille ». Pourtant une lecture plus attentive permet d’entendre autre chose. Ce dont Molière se moque c’est de la folie des femmes qui se laissent abuser par des pédants qui les trompent avec de grands mots. Quant aux hommes Molière se moque allègrement de leur lâcheté qui les fait tout accepter pour avoir la paix. Derrière ces luttes familiales, ce qui est en jeu c’est la question du pouvoir, dont le langage est un instrument essentiel. Philaminte le dit clairement « Je veux nous venger de tout. Les femmes aussi peuvent faire de la science ».

les_femmes_savantes_ivry-ab.jpgElizabeth Chailloux a mis en scène avec finesse ces femmes savantes. C’est une comédie, ce n’est pas une farce. Avec elle, à la différence de mise en scène récente de Macha Makeïeff, Philaminte et Bélise n’ont pas un aspect ridicule. Ce sont des femmes habillées à la mode des années 60, moment fort de l’émancipation féminine. Le décor est intemporel – seul un lustre renvoie à un temps plus ancien – et réduit à quelques chaises, une table avec des livres, une machine à écrire, une lunette en haut d’un escalier. Un grand lit derrière un rideau transparent rappelle que c’est aussi du corps qu’il est question dans la pièce de Molière, un corps qu’Armande veut mettre à distance. Elle reproche à Clitandre de ne pouvoir aimer que de façon grossière avec le corps, alors qu’on ne devrait s’attacher qu’à l’esprit. La musique des années 60 vient illustrer (Ce soir je serai la plus belle pour aller danser) ou apporte un contrepoint ironique (Non ho l’eta) ou mélancolique (Bang-bang, my baby shut me down).

Les acteurs sont tous excellents et dans leur bouche les alexandrins coulent aisément et se font très bien entendre. Camille Grandville campe une Philaminte déterminée, obstinée dans ses choix, qui finit par se rendre à l’évidence. Bénédicte Choisnet, avec sa petite robe rouge évasée et ses chaussures à talons blancs, campe une Henriette coquette, amoureuse, capable de prendre l’air d’une idiote mâchant son chewing-gum pour échapper aux projets de sa mère. Florent Guyot glisse et se pavane en Trissotin. François Lequesne incarne un Chrysale qui lève le menton pour montrer qu’il est le chef mais se défile le moment venu. Il faut aussi saluer la performance de Pauline Huruguen qui révèle toutes les contradictions d’Armande, tiraillée entre son désir d’épouser la philosophie, comme sa mère, et son amour pour Clitandre, qui veut négliger les élans du cœur mais jalouse sa sœur qui l’a détrônée dans le cœur de ce dernier. Il y a tous les regrets dans le final qui la laisse hors du cercle formé par le reste de la famille et c’est très émouvant.

Micheline Rousselet

Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h, le jeudi à 19h, le dimanche à 16h
Théâtre d’Ivry Antoine Vitez
1 rue Simone Dereure, 94200 Ivry
Réservations : 01 43 90 11 11
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