Dans les familles, c’est souvent pour les mariages et les enterrements que les générations se rassemblent. Dans les conséquences, premier volet d’une trilogie écrite par Pascal Rambert, ce sont trois générations qui se retrouvent après l’incinération de l’aïeule morte à 106 ans et que personne ne semble vraiment regretter, surtout pas son fils psychiatre et député. Son épouse, ses enfants, leurs conjoints, ses petits-enfants le rejoignent, s’interpellent, se disputent ou monologuent. Ces mariages et ces enterrements, on ne les voit pas, on est dans les coulisses, avec les couples qui se font et se défont, les querelles, les déceptions et les trahisons qui se révèlent sur fond de changements sociaux et de virages politiques.
Comme à son habitude Pascal Rambert écrit en pensant aux comédiens et comédiennes qui vont interpréter les rôles et il retrouve les acteurs et actrices qui l’accompagnent depuis les débuts. Les personnages portent d’ailleurs leurs prénoms, Jacques (Weber), Audrey (Bonnet), Stanislas (Nordey), Anne (Brochet), Arthur (Nauzyciel), Laurent (Sauvage). S’y ajoutent de plus jeunes comédiens qui sont arrivés au fil du temps, Lena Garrel, Mathilde Viseux, Jisca Kalvanda, Paul Fougère, et Marilú Marini. Pascal Rambert déploie ici le meilleur de son talent pour peindre une société qu’il connaît bien, et qu’il égratigne avec un plaisir que l’on partage, celle de ces intellectuels amateurs d’introspection, qui citent Parménide, Héraclite ou Lénine, se veulent ouverts à tout, mais semblent bien enfermés dans leur entre-soi élitiste. C’est vif, incisif, drôle, parfois un peu convenu, parfois percutant.
Un vaste barnum blanc, éclairé par des néons, où sont installés quelques longues tables, des bancs et des chaises de plastique accueille les quatre cérémonies qui se succèdent, les corbeilles de fleurs de mariage remplaçant les urnes funéraires. Les personnages entrent et sortent par les bâches,les femmes en robes colorées et talons aiguilles, les hommes en chemise blanche et costume sombre. Ils monologuent ou s’interpellent, crient, courent, se cherchent, dialoguent avec ces échanges secs, conflictuels, qui touchent juste et bousculent. Ils se parlent, s’accrochent au langage mais n’arrivent pas à se comprendre. Dans cette famille tout le monde, ou presque, a fait Normale Sup, médecine ou l’ENA. On est médecin, préfet, professeur, diplomate ou écrivain. La vie s’écoule, une vingtaine d’années passent, avec ses joies, ses peines, ses espoirs et ses renoncements. On danse un peu, on chante une chanson italienne mélancolique. On a des regrets de carrière, d’amours manqués, on se fait le reproche de n’avoir pas, ou mal, aimé. On a été plus ou moins à gauche et on s’est amolli et droitisé, plutôt plus que moins. Tout le monde sent le poids sur sa vie des générations précédentes, « les conséquences ». Peut-on un jour s’en débarrasser ?
Micheline Rousselet
Jusqu’au 15 novembre au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, 2 place du Châtelet, 75004 Paris – du lundi au samedi à 20h, le dimanche à 15h – Réservations : theatredelaville-paris.com ou 01 42 74 22 77 – tournée : du 2 au 5 décembre Bonlieu, Scène Nationale à Annecy, du 17 au 19 décembre au CDN de Nice
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