Jean Pétrement interprète avec Leonard Stéfanica dans une mise en scène de Lucile Pétrement Léo et Lui qu’il a écrit à partir des seuls textes de Léo Ferré extraits essentiellement des Chants de la fureur.

Nous n’assistons pas à un récital des chansons de Léo Ferré mais à une pièce de théâtre dans laquelle s’affrontent un père fasciné par le poète et son fils en proie aux affres de la création. Le père, tout à son admiration pour l’auteur dont il partage les idées anarchistes et l’ivresse de la solitude pourtant pesante, veut amener son fils à se saisir de cet héritage pour créer. Ce dernier, révolté, refuse cette vision qu’il trouve trop en décalage avec les préoccupations de sa génération.

Dans un décor dépouillé (un piano et un bureau) de cette belle salle voutée de l’Essaïon, Lucie Pétrement a traduit physiquement avec justesse cette opposition. Alors que le père vit et dit pleinement les poèmes de Léo Ferré, son fils lui tourne le dos et tente de composer avec ses instruments (violon et piano) sa propre musique. Parfois cet antagonisme se joue avec l’éclairage : quand l’un est en pleine lumière, l’autre passe dans l’ombre.

Mais peu à peu, tout au long des échanges, on voit les conceptions se rapprocher : on ne se tourne plus le dos et on partage des chansons de Léo. Le poème La mémoire et la mer dit en ouverture de spectacle par Jean Pétrement seul est repris par la suite en duo. L’image finale laisse le fils seul, délesté de la figure tutélaire du père fou de Léo, emprunter le chemin de sa propre création marquée de l’empreinte de l’immense poète mais avec un accompagnement électro acoustique qui rend hommage aux années 70 tout en y apportant une touche plus moderne de rap.

L’idée de génie de Jean Pétrement est de s’appuyer uniquement sur les textes de Léo Ferré pour créer deux personnages qui s’affrontent tout en transcendant cette opposition. Créer c’est toujours emprunter sans que la marque de l’empreinte vous emprisonne.

Il faut saluer la belle performance de Léonard Stéfanica, jeune musicien virtuose chanteur et comédien talentueux et celle  de Jean Pétrement à la diction  impeccable et toute musicale de cette œuvre complexe. Un spectacle qui s’adresse à tous que l’on connaisse ou non l’œuvre de Léo Ferré. Même si l’on n’en a pas toute les clés, il faut se laisser porter par la poésie et la musique de ses textes.

Frédérique Moujart

Jusqu’au 17 janvier 2022 – Théâtre de l’Essaïon, 6 rue Pierre au lard, 75004 Paris – Les Lundis à 19h00 – Réservation : 01 42 78 46 42

En juillet 2022 au festival d’Avignon au théâtre des Corps Saints en alternance avec la dernière bande de Samuel Beckett


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