Charles Texier met en scène Nejma Ben Amor, autrice et comédienne de ce drame contemporain et universel : la violence machiste, le harcèlement sexuel, le viol, l’emprise.

Dans un décor nu avec uniquement une table et une chaise, Nejma Ben Amor va jouer avec un immense talent et une grande plasticité corporelle et vocale les huit rôles de la pièce. Elle est Léna, jeune comédienne fragile et mal à l’aise, qui ose enfin pousser la porte du commissariat pour déposer plainte pour viol réitéré contre son metteur en scène, Sofiane. Elle est la policière suspicieuse et pressée d’en venir au fait qui recueille sa déposition. Elle est le policier un peu simplet, bouche tordue qui tape ce qu’elle dit.

En alternant sans temps mort, sous forme de polar, flash-back et interrogatoire dans le commissariat, le phénomène de l’emprise prend vie. Nejma Ben Amorjoue rejoue sous forme de saynètes son passé. Elle est la Lina naïve, heureuse d’avoir enfin obtenu une grand rôle, le metteur en scène qui pour mieux abuser d’elle alterne douceur, déclarations d’amour et violences. Elle est son amant qui ne comprend pas la situation mais aussi les deux autres comédiens qui ne veulent rien voir. Elle nous fascine par sa prestation. Elle incarne tous les personnages avec une fluidité étonnante. On la suit sans aucun problème aussi bien dans les retours en arrière qui montrent l’engrenage qui va la broyer que dans l’interrogatoire qui met en lumière les failles de l’institution policière et judiciaire. Prouver concrètement l’emprise qui ne laisse pas de traces physiques est impossible d’autant plus que le metteur en scène et ses collègues de travail refusent de la reconnaître.

En plongeant parfois une partie de la scène dans le noir, l’éclairagiste Anna Sauvage met concrètement en lumière la difficulté de dire l’indicible, l’obscurité des propos, la vérité qui souvent reste dans l’ombre.

Sur scène, Majed Ben Amor, qui ne joue que dans les flash-back, ne se contente pas de l’accompagner. Il est un vrai partenaire de jeu. Constamment à ses côtés, essayant désespérément de la sortir de l’emprise, il se fait caisse de résonance de toutes les émotions qui la traversent et de la montée de la violence. A la fin, il lui passe le témoin en lui remettant sa guitare dont elle joue sur un mode apaisé.

Un spectacle à voir pour la performance de la comédienne et du guitariste.

Frédérique Moujart

Jusqu’au 25 avril 2023, dimanche, lundi et mardi à 19h au théâtre des Déchargeurs, 3, rue des Déchargeurs. Paris 1er – Réservation : 01 42 36 00 50 ou www.lesdechargeurs.frAoût 2023 au Festival d’Aurillac – 15 Octobre 2023, Scène d’Anglars à Anglars-Juillac (46)

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