Dans cette pièce mystérieuse de Botho Strauss, il y a une femme, Marie Steuber. Dans la chambre où Olaf est assis dans un fauteuil, Julius raconte à son ami ce qu’il voit dans la rue par la fenêtre et il parle de cette femme sur le trottoir. Brusquement cette femme fait irruption dans la pièce, disant « vous venez de parler de moi ? ». Dans la première partie, le dehors entre dans la chambre, des personnages y entrent et en sortent, l’impatiente, la femme-sommeil qu’un homme dépose nue sur le fauteuil, l’homme qui cherche sa montre car il est aussi question du temps, mais un temps qui n’est pas linéaire. Dans la seconde partie, huit moments mettent en scène Marie Steuber. Est-ce son passé ou incarne-t-elle toutes les femmes, du moins ce que les hommes imaginent des femmes ? Femme arrivée de l’aéroport avec un homme dont elle ne semble pas savoir si c’est celui qui devait l’attendre, putain prête à se vendre pour un job –mais cela c’est ce que croit l’homme car elle dit qu’elle n’en veut pas de ce job- Médée se disputant avec un Jason qui lui dit que cette histoire n’a rien à voir avec la leur, puisqu’ils n’ont pas d’enfant ! Telle Alice au pays des merveilles, Marie traverse un monde étrange, semble s’y perdre, nous y perdre aussi.

Théâtre : le temps et la chambre
Théâtre : le temps et la chambre

Il faut accepter de ne pas tout comprendre, car le récit est complexe et fragmentaire. Il vaut mieux se laisser emporter par le texte, dans la belle traduction de Michel Vinaver qu’a choisie Alain Françon comme l’avait fait avant lui Patrice Chéreau. La scénographie, très belle, joue de ce parti pris d’étrangeté. Un grand appartement avec de hautes fenêtres et une colonne rouge, deux fauteuils, tout, y compris les éclairages, renvoie à un tableau de Hopper. Alain Françon a réussi cet étrange mariage de situations nettes et de personnages flous et incertains, que pointe le personnage de Marie lorsqu’elle dit : « Je n’arrive pas à recoller les morceaux ». Il a surtout rassemblé une distribution exceptionnelle. Georgia Scalliet, jeune actrice de la comédie française, polarise l’attention, tantôt retenue, tantôt explosive, tantôt espiègle, tantôt froide, tantôt en colère, elle donne à Marie les diverses facettes qui la rendent fascinante. Auprès d’elle tous sont remarquables, Dominique Valadié, Wladimir Yordanoff et surtout Gilles Privat et Jacques Weber, qui incarnent ce couple de vieux amis qui observent et se comprennent sans grandes déclarations.

On sort de la salle troublé et sous le charme.

Micheline Rousselet

Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30, le dimanche à 15h30

Théâtre National de la Colline

15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 62 52 52


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