Inspiré entre autres par le film de Wim Wenders, Les Ailes du désir, Johanny Bert, plasticien, marionnettiste, metteur en scène et chanteur, présente après Hen et la Nouvelle Ronde, deux créations à l’origine de son succès, son dernier opus le Spleen de l’Ange. Perdu et las de sa condition d’être éternel, l’ange, marionnette manipulée par Johanny Bert aidé de Klore Desbenoit, souhaite partager la vie éphémère de la condition humaine.
Une introduction musicale accompagne la voix de Wim Wenders qui raconte comment enfant il se voyait entouré de six anges qui veillaient sur lui pour l’éternité et comment cette idée de l’infini l’effrayait plus que la mort. Le spectacle s’ouvre sur une très belle scène dans laquelle un ange céleste au visage blanc avec deux grandes ailes vole au-dessus des êtres humains,magnifiques petits personnages en carton blanc qui vaquent à leurs occupations. Plein de mélancolie, l’ange décide de quitter les cieux pour descendre sur terre.Il essaie dans une scène à la fois comique et poétique de se débarrasser de ses ailes afin de pouvoir partager la vie de ceux sur lesquels il avait mission de veiller.
Il regrette que les hommes sur terre ne sachent pas jouir pleinement de leur statut de mortels qui devrait leur (re)donner davantage le goût de vivre plutôt que de passer leur temps à s’éliminer abrégeant ainsi la chance qu’ils ont de vivre vraiment. C’est sous la forme d’un oratorio accompagné de trois musiciens chanteurs excellents que Johanny Bert va nous faire partager l’errance poétique et philosophique de cet ange qui veut devenir humain et de sa marionnette qui se transforme peu à peu en humain. C’est tout l’art de l’auteur de mettre la marionnette au service de la dramaturgie. Sous forme de six séquences dont le titre s’inscrit en blanc sur un écran (De chair et de sang, Frôler la terre, Effervescence de la pensée, Sentir la finitude, Se constituer, Embrasser un humain), nous voyons cette (ces) métamorphose(s) s’opérer non sans humour sur scène dans un décor et des accessoires qui utilisent effets spéciaux et magie.
La manipulation de la marionnette ange mi-homme mi-oiseau est absolument fascinante et le visuel des tableaux nous plonge dans un univers onirique parfaitement réussi. Quelques scènes font aussi penser à des tableaux surréalistes comme celle la multiplication des têtes de l’ange qui se détachent de son corps ou celle des membres gigantesques en silicone qui se déplacent et s’enfuient se transformant en êtres autonomes qui se désirent et s’aiment alors que l’ange ne connaîtra jamais ces sentiments et ces sensations.
Tout le spectacle, tel un oratorio profane et libre, est construit sur l’alternance de parties chantées et de musique. Les trois musiciens, Marion Lhoutellier au violon et instruments électroniques, Guillaume Bongiraud au violoncelle et instruments électroniques et Cyrille Froger aux percussions et clavier, interprètent des morceaux qui mêlent musique classique et contemporaine, électronique sous l’influence de Björk, Bot’Ox, Laake. Les parties chantées composées par les musiciens et par Brigitte Fontaine, Alexis Morel, Prunella Rivère, Laurent Madiot sont comme des questionnements intérieurs de l’ange.
Johanny Bert nous offre un très beau spectacle poétique et musical non dénué d’humour qui nous envoûte.
Frédérique Moujart
Jusqu’au 26 octobre à 20h – Théâtre de la Ville- Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris 18ème – Réservations : 01 42 74 22 77 ou theatredelaville-paris.com – le 7 novembre , Théâtre du pays de Morlaix, Morlaix – les 13, 14 et 15 novembre, Festival Ovni, Théâtre 71, Malakoff scène nationale
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