Théâtre : Le souper

Le 6 juillet 1815 alors que la défaite de Napoléon est consommée, que les troupes coalisées sont dans Paris et que la révolte populaire gronde, Talleyrand, homme politique et diplomate à la carrière exceptionnelle, qui a traversé presque sans encombre tous les régimes de la Révolution à la Restauration, a convié pour souper son vieil ennemi, Fouché, Ministre de la Police sous le Directoire, le Consulat et l’Empire. Ennemis ils l’ont toujours été, mais l’intérêt ce soir-là les rapproche. Il s’agit de décider de l’avenir de la France, et du leur aussi bien sûr ! Fouché est partisan de la République et Talleyrand du retour des Bourbon sur le trône. Ce dialogue Jean-Claude Brisville l’a imaginé avec le même talent qui avait présidé à L’entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune. Une rencontre entre deux hommes à l’intelligence acérée, l’homme des Lumières libéral convaincu, réputé pour sa conversation et ses traits d’esprit qu’était Talleyrand et le policier dans l’âme, qui avait des dossiers sur tous, qu’était Fouché. Deux hommes passionnés de politique et de goût du pouvoir, que leur origine sociale distinguait mais qui n’hésitèrent pas à user de l’intrigue, de la trahison et de la corruption pour parvenir à leurs fins.

Théâtre : Le souper
Théâtre : Le souper

Tandis que l’orage et la révolte du peuple grondent au dehors, le souper a pour décor un salon luxueux où la table attire les regards avec ses chandeliers d’argent, sa vaisselle précieuse et un présentoir pour les mets délicieux. La conversation sur l’avenir politique de la France laisse parfois place à des considérations sur le raffinement des mets présentés. Des échos du monde politique d’aujourd’hui percent à chaque instant sous l’aspect historique de ce dialogue, la prégnance de l’origine sociale par exemple. Il faut voir Fouché boire son cognac cul-sec sous l’œil narquois de Talleyrand qui lui expose comment cela doit se déguster. De plus on n’ignore pas que c’est encore souvent lors de rencontres semi-privées que se décide le sort des peuples.

Le dialogue étincelant entrelace phrases historiques et celles que l’imagination de Jean-Claude Brisville a mis dans la bouche des deux protagonistes. On écoute avec délice ce style où les subjonctifs se laissent aller voluptueusement et où l’esprit, porté par le cynisme des deux hommes, éclate à chaque phrase. Daniel et William Mesguich se régalent de cette langue du XIXème siècle naissant. Daniel Mesguich incarne un Talleyrand des lumières raffiné, pétri de bonnes manières, mais cynique et corrompu, qui pense que la restauration des Bourbon est le meilleur avenir pour le pays… et pour le sien. William Mesguich est un Fouché plus rustre qui use de la menace d’une façon à peine voilée, dont les manières ne cessent de trahir le policier qu’il n’a jamais cessé d’être et qui, en dépit de son choix initial en faveur de la République, se rendra à la solution qui lui semble servir le mieux ses intérêts. Ils sont éblouissants.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h

Théâtre de Poche Montparnasse

75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 44 50 60 67

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu