Emmanuel Demarcy-Mota s’empare avec tout son talent de cette pièce de Shakespeare où se mêlent désirs ardents et enchantements magiques dans une forêt, où la nuit d’été se prête à tous les sortilèges.

Hermia et Lysandre tentent d’échapper aux contraintes familiales et aux règles de la cité qui s’opposent à leur amour. Poursuivis par le fiancé choisi par le père d’Hermia, Démétrius, lui-même suivi par Héléna qui l’aime, ils fuient, se perdent dans la forêt et se trouvent pris au piège de la querelle entre Obéron et Titania, roi et reine des fées et suzerains du monde nocturne de la forêt. Victimes des sortilèges d’Obéron et des erreurs de son elfe Puck, ils se débattent, tout comme Titania, dans une série de quiproquos, tandis que tout près d’eux des artisans répètent dans la forêt la pièce qu’ils s’apprêtent à jouer pour le mariage princier qui se prépare.

Sur le plateau se déploie la forêt, magique, mouvante, pleine de mystère, un peu inquiétante parfois. Les jeunes gens s’y endorment au pied des arbres, les ombres des elfes et des fées passent, Titania, délicate et légère semble voler au-dessus de son royaume. Titania, Obéron et les jeunes gens apparaissent et disparaissent comme avalés par la forêt, les elfes et les fées surgissent par des trappes d’un monde souterrain, que l’on imagine magique. Obéron confie à Puck trois grandes fleurs dont il devra se servir pour ensorceler les jeunes gens et Titania.

On entre dans le monde du rêve et de l’inconscient, du chaos aussi car les erreurs de Puck créent un désordre insensé dans les sentiments amoureux. Pour incarner Puck, avec son côté à la fois féminin et masculin, sa douceur et sa cruauté – c’est tout de même lui qui a l’idée de placer un artisan affublé d’une tête d’âne devant les yeux de Titania ensorcelée pour qu’elle en tombe amoureuse – Emmanuel Demarcy-Mota a eu la très bonne idée de le faire jouer par trois jeunes interprètes, deux filles et un garçon. Aux côtés du monde des jeunes amoureux et de celui des elfes et des fées il y a enfin le monde des artisans qui nous offre un moment de théâtre dans le théâtre. Ces artisans ne sont pas des professionnels du théâtre – ils font un lapsus à l’occasion – et craignent que le public ne comprennent pas ou soit saisi par la crainte. Ils vont donc tout lui expliquer, ce qui ouvre des moments de burlesque qu’accentue le décalage entre le sérieux de leur jeu et l’ironie de leur public. Pourtant la magie du théâtre opère malgré tout auprès de ces spectateurs, qui y croient suffisamment pour venir vérifier ce qu’ils voient !

La superbe scénographie d’Emmanuel Demarcy-Mota et Natacha le Guen de Kerneizon, la vidéo de Renaud Rubiano, la beauté des éclairages de Christophe Lemaire qui sculpte des espaces sur le plateau, la musique et les sons tout concourt à créer une atmosphère magique et féerique. Emmanuel Demarcy Mota a réuni pour ce spectacle quinze comédiennes et comédiens dont la plupart travaillent ensemble depuis une vingtaine d’années, depuis Peine d’amour perdue qu’il avait créée en 1998. Il y a ajouté quelques nouveaux au fil du temps et de très jeunes interprètes. Tous sont excellents et savent faire entendre chaque mot de la nouvelle et très élégante traduction que le metteur en scène a commandé à François Regnault. On a rarement entendu exprimé aussi magnifiquement l’appel du désir, le pouvoir du théâtre et surtout celui de l’inconscient, tapi dans la forêt que peuplent les pulsions des elfes.

Emmanuel Demarcy-Mota signe ici une mise en scène exceptionnelle qui ouvre l’imaginaire des spectateurs et les emporte dans les rêves de cette nuit d’été. C’est beau, magique, merveilleux. Courez-y.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 10 février au Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet, 75004 Paris, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h – Réservations : 01 42 74 22 77 ou theatredelaville-paris.com

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