Une tente quechua passablement déglinguée, un fauteuil défoncé d’où déborde le crin, une radio, un jerrycan, une vieille affiche de théâtre, une chaise percée pour SDF du vingt-et-unième siècle, une cuvette à l’émail ébréché, un camping-gaz, une vieille casserole, tout l’univers des sans-abris est là. Un homme s’extrait de la tente péniblement, titube un peu, boit, fait chauffer de l’eau, s’effondre dans le fauteuil. Cela fait trois ans que Fred Loisel est dans la rue, trois ans à soliloquer, à coups d’aphorismes et d’humour désespéré, et surtout à boire. Il fut un temps où il était comédien et où il avait une femme, Nelly. Et puis un jour elle « en a eu marre de faire répéter une loque qui soliloque ». Désormais son monde s’est réduit à des hommes aussi cabossés que lui et, j’oubliais, une femme, Nicole, encore plus imbibée d’eau de vie que ses compagnons de misère. Aujourd’hui est pour Fred un jour spécial, c’est son anniversaire.

Théâtre : Le soliloque de Grimm
Théâtre : Le soliloque de Grimm

Le texte de Bruno George passe de la tendresse à la cruauté, de la gravité au burlesque, de la crudité à la poésie pour dessiner un monde où la férocité côtoie la fragilité. Pour dire ce texte à l’humour désespéré, il fallait un comédien particulier. C’est pour lui que Bruno George a écrit ce texte. Fred Saurel est formidable dans ce rôle. Il semble se débattre entre les fantômes de son amour défunt et les gueules cassées qui l’entourent. Il arrive à mettre à distance le misérabilisme par le rire, un rire triste mais si intelligent. Il a beau dire que les mots lui viennent de plus en plus difficilement car « l’environnement n’y est pas favorable », il a de beaux restes ! Il faut l’entendre dépeindre ses voisins SDF, ces « locataires du froid », parler de la mort qui rôde car comme il le dit avec son humour dévastateur : « Le problème de l’alcool, c’est que si t’es pas au volant, tu meurs lentement et à force, tu noies les autres dans ton chagrin ». Tout son corps dit l’usure de la vie dans la rue et les méfaits de l’alcool qui n’est plus consolation mais destruction. Il est drôle, désespéré, émouvant, poignant !

Micheline Rousselet

Du jeudi au samedi à 21h30

Essaïon

6 rue Pierre au Lard 75004 Paris

Réservations 01 42 78 46 42

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