Victor Hugo mit plus de quinze ans à écrire Les Misérables. Il était alors au faîte de sa gloire, auteur célébré d’un best-seller Notre Dame de Paris, Pair de France, conservateur et royaliste. Mais il regardait autour de lui, voyait la misère et les inégalités, l’égoïsme des puissants et la répression qui s’abattait sur les plus misérables. Son livre allait leur restituer leur humanité et leur grandeur et faire de lui un immense écrivain admiré dans le monde entier.

Marjorie Nakache a voulu mettre en regard deux transformations, la rédemption du bagnard Jean Valjean et ce moment où Hugo, jeune écrivain ambitieux et conservateur, se mue en progressiste donnant la parole au peuple, quitte à rencontrer l’hostilité de certains de ses confrères. L’adaptation de Xavier Marcheschi s’appuie sur des extraits du début des Misérables et sur des éléments de la vie de Victor Hugo à l’époque où il écrivait son roman.

Marjorie Nakache, toujours très didactique, au sens noble du terme, réussit très habilement à mêler les deux visions. On démarre sur un groupe dans la pénombre, valise et sacs à la main. De la porte derrière eux vient un rai de lumière qui s’amplifie tout comme la musique comme si l’obscurité laissait la place au progrès. Tout de suite après, cette porte devient celle de l’auberge dont Jean Valjean se voit durement refuser l’accueil puis celle de l’Évêque qui sera le déclencheur de la rédemption de Jean Valjean. Une scénographie simple, une porte que l’on déplace, une malle, celle des images engrangées et du manuscrit qui s’écrit, des vidéos discrètes, la forêt de Montfermeil, la mer pour évoquer l’exil et c’est la magie du théâtre qui opère. C’est rythmé et les acteurs (Baptiste Drouillac, Valentin Fruitier, Clémence Laboureau, Xavier Marcheschi et Irène Voyatzis) passent d’un rôle à l’autre avec fluidité.

Tout au long de la pièce on navigue des scènes marquantes du roman, la rencontre avec l’Évêque, avec Fantine, Cosette et les Thénardier ou Gavroche, à l’évolution des idées de l’auteur avec des extraits de ses discours à la Chambre et ses prises de parole contre les injustices sociales, le travail des enfants, l’éducation ou une justice au service des puissants.

Dans son théâtre d’une banlieue défavorisée du 93, à Stains, Marjorie Nakache poursuit depuis de nombreuses années, en relation avec les enseignants et les associations de la ville et des alentours, un très beau travail pour la promotion d’un théâtre populaire. Par ses choix elle fait sienne la foi de Victor Hugo dans le progrès et le changement. Et dans une période aussi sombre que la nôtre aujourd’hui cela fait du bien.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 4 avril au Studio Théâtre de Stains, 19 rue Carnot, 93240 Stains – à 14h ou 20h30 selon les jours (horaires précisés sur le site du théâtre) – Réservation : 01 48 23 06 61


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