culture/théâtre

Quand on a demandé à Boulgakov d’écrire une biographie de Molière, il s’est lancé dans l’entreprise avec enthousiasme, tant il y trouvait d’échos à sa propre carrière, avec les galères des débuts difficiles, les hauts et les bas de la gloire, le soutien des puissants qui cesse soudain, les jalousies et les cabales. Ronan Rivière a adapté le texte de Boulgakov qui fait vivre un Molière séduit par le théâtre dès son plus jeune âge, aimant autant les pièces du répertoire de l’Hôtel de Bourgogne que les farces jouées près du Pont Neuf. Il le fait passer des difficultés et des quolibets des débuts aux premiers succès auprès du Prince de Conti puis auprès du Roi. On le voit passer du statut d’acteur à celui d’auteur qui continua à jouer la comédie. Les cabales et les attaques contre Molière, l’interdiction du Tartuffe par le Roi en pleine guerre contre le jansénisme rappellent à Boulgakov ses démêlés avec la censure stalinienne et les revirements du soutien de Staline. Tout cela le renvoie à la question du statut de l’écrivain. Jusqu’où peut-il aller pour ne pas déplaire, sans se parjurer ?

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Ronan Rivière signe aussi la scénographie et la mise en scène. Sur scène une charrette qui évoque les débuts itinérants de la troupe, mais qui devient aussi scène de théâtre sur laquelle on place un fauteuil, qui rappelle le vrai fauteuil dans lequel Molière a joué sa dernière représentation. Quelques lampes fixées sur une planche que l’on allume et on a les feux de la rampe. La magie du théâtre qui crée l’illusion avec trois bouts de ficelle est là. Pour rendre plus théâtrale l’adaptation du texte de Boulgakov, Ronan Rivière y a inséré des extraits des pièces de Molière bien reliés à l’avancée du roman de sa vie, les premières farces tout comme Tartuffe ou Le Misanthrope. Le passage du récit aux alexandrins est fluide et bien réussi. En outre les légers changements de décor sont l’occasion de donner une place à des airs de Lully, joués au piano par Olivier Mazal. L’adaptation donne toute sa place à la poésie et à l’humour de Boulgakov, qui sied bien aux aléas de la vie de l’artiste. L’enchaînement des succès et des difficultés est mené à un rythme rapide. Il y a des moments drôles. Ainsi la reconnaissance, avec la nomination de « Troupe du Roi au Palais Royal », est accueillie avec surprise par les deux acteurs regardant le ciel d’où elle semble tomber.

Deux acteurs sont sur scène. Michaël Cohen incarne une foule de personnages, le Prince de Conti, Monsieur Frère du Roi, le Roi, Joseph Béjart et même Armande Béjart enfant faisant la révérence. Face à lui, Ronan Rivière incarne Boulgakov (en narrateur) et Molière. Il a l’enthousiasme, l’élan, l’inquiétude parfois, du génie qu’est Molière. Quand il est Boulgakov, il semble se retourner sur la vie de Molière en pensant aussi, avec humour, à la sienne. Il fait front aux caprices des puissants et aux obligations auxquels ils soumettent l’artiste, il plie, mais ne rompt pas. Il donne de Molière une image que l’on ne peut oublier. C’est une pépite qu’il faut s’offrir et offrir aux élèves.
Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 18h30, le dimanche à 16h

Théâtre du Lucernaire

53 rue Notre Dame des Champs, 75006 PARIS
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 44 57 34

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