25 juillet 1909, l’industriel passionné d’aviation, Louis Blériot, est installé avec sa femme Alicia dans une chambre d’hôtel, à Calais, attendant que la pluie et le vent cessent pour tenter la première traversée de la Manche en aéroplane. Il est d’autant plus fébrile sur ce projet que son avenir financier en dépend. Certes il a plusieurs vols à son actif, mais aussi plusieurs chutes, d’où le surnom dont l’affublent ses adversaires « le roi des pâquerette ». Et il n’est pas seul sur ce défi. Il y a aussi Hubert Latham.

C’est lors d’une visite au Musée des Arts et Métiers, devant le Blériot XI, que Bérangère Gallot et Sophie Nicollas ont pris conscience du courage un peu fou de ces pionniers de l’aviation et ont entrepris l’écriture de la pièce. Elles y ont placé les personnages qu’a retenus l’histoire, Blériot, sa femme Alicia, son mécanicien Ferdinand Colin, le journaliste Charles Fontaine et le rival Hubert Latham. Elles ont imaginé la nuit où, en attente d’une météo plus favorable, tous ces personnages vont se croiser et révéler leur personnalité. Blériot n’est pas qu’un ingénieur passionné de vol, il a un projet, créer une école de pilotage, car il est aussi un visionnaire qui pense que l’avenir est aux voyages en avion. Hubert Latham est plutôt un aventurier à l’audace élégante, comme le dit Alicia Blériot, grand séducteur, pour qui voler est une aventure aussi excitante que la rencontre des grands fauves en Afrique. Autour de Blériot, sa femme tout comme son mécanicien ont épousé sa passion et vont, chacun avec leurs armes, se démener pour contribuer à la réussite de cette traversée. Quant au journaliste – dont Blériot, à la différence de sa femme, n’a pas compris l’influence qu’il peut avoir pour populariser son exploit – il joue sur tous les tableaux pour assurer sa propre gloire.

Le metteur en scène Benoît Lavigne a installé les personnages dans une chambre où tout le monde se rencontre. Papier peint à fleurs, gramophone à pavillon restituent sans ostentation un décor 19OO. Le bruit du vent et de la pluie installe la météo exécrable qui menace le projet. La mise en scène restitue l’énergie de cette épopée. Fluide, elle fait passer de la comédie – on pense à Feydeau lorsque Alicia Blériot tente de séduire et d’enivrer Hubert Latham pour empêcher son départ – aux inquiétudes et à la peur de Blériot -être perdu au-dessus de la mer alors qu’il ne sait même pas nager ! On frissonne avec le héros quand dans l’obscurité il enfile sa combinaison de pilote et on partage son triomphe quand tous les acteurs sont réunis pour raconter l’exploit et que défilent en fond de scène quelques images filmées.

On sent bien l’enthousiasme des jeunes comédiens embarqués dans cette aventure. Maxence Gaillard campe un Louis Blériot tout à sa passion, sérieux, maladroit parfois dans ses rapports avec ceux qui l’entourent. Guillaume d’Harcourt est le mécanicien, qui a épousé la passion et les espoirs de Blériot mais avec qui celui-ci se fâche au plus mauvais moment. Emmanuel Gaury est Hubert Latham, l’aventurier séducteur qui ne peut s’empêcher d’avoir une certaine admiration pour Blériot, mais qui envisage cette traversée comme un exploit personnel. Mathieu Rannou, en journaliste qui revient par la fenêtre lorsqu’on le jette par la porte, porte les moments des plus comiques. Lauriane Lacaze est Alicia Blériot. Très drôle dans la scène de séduction d’Hubert Latham, tendre quand elle rassure Blériot qui doute et a peur, émouvante quand elle lui dit qu’elle le suit dans son projet.

Une pièce où la grande Histoire croise l’intime, où l’on frissonne, même si on connaît la fin, propre à enchanter tous les publics.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 2 janvier au Lucernaire – 53 rue Notre-Dame-Des-Champs, 75006 Paris – du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 16h – Réservations : 01 45 44 57 34 et sur www.lucernaire.fr


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