La marionnettiste et plasticienne Alice Laloy, dont le Pinocchio (live)#3 nous avait enthousiasmés, approfondit ici son travail autour de la manipulation, du vrai et du faux, du jeu et du réel.

On est dans un jeu vidéo où le virtuel et le réel se mêleraient. Un ring est tracé au sol, deux joueurs sur fauteuils et avec casques de gamers se font face. Ils donnent par micro des ordres à leurs avatars à l’apparence humaine. Six acteurs, danseurs, circassiens les incarnent, obéissant aux ordres : marche, saute, recule, esquive, ramasse, jette, continue, observe, mange, intimide, insulte, etc. Quatre matchs intitulés Black friday, Enjoy your meal, TV session, Following day se succèdent et se terminent en mode fight. Les enjeux des matchs sont fixés par des objets basiques, vêtements, mobilier, nourriture, bébés qui tombent des cintres. Deux manipulateurs nettoient après chaque match, ramassent les pantins, les remettent en état et sur deux écrans s’affichent les titres de chaque manche et les scores.

La scénographie est impressionnante. Dans un univers où tout est gris, la seule et très discrète touche de couleur est donnée par les sweaters des deux gamers. Au fond du plateau Katharsy, immense dans une longue et ample robe grise, mène le rythme des matchs, annonce les scores et d’une belle voix de soprano accompagne les inter matchs. Le travail sur le son (bruits métalliques, musique) et sur la lumière, avec des effets stroboscopiques, est remarquable. Ce qui est surtout éblouissant c’est le jeu complexe et précis des avatars. La démarche saccadée, ils avancent mécaniquement, se croisent, s’évitent, s’accrochent, tombent en grand écart, avalent la plus grande quantité possible de nourriture, jusqu’à l’assiette, une se retrouve même emmêlée de la tête aux pieds dans ses spaghettis. Au fur et à mesure du jeu, pris dans une logique de compétition, ils deviennent de plus en plus violents.

C’est comme si dans ce ring, qui nous renvoie l’image d’une société de consommation où tout serait sous l’emprise de la convoitise et de la compétition, on pouvait faire vivre à ces avatars des émotions trop fortes pour qu’on les vive. Dans son Pinocchio Alice Laloy transformaient des enfants en pantins, ici les avatars finissent par se révolter et la couleur fait irruption. Dans cet univers totalement gris la robe de Katharsy devient immense drap violet recouvrant tout le plateau comme l’espoir d’un renversement de l’ordre des choses et c’est magnifique.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 16 décembre au T2G Théâtre de Gennevilliers, 41 avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers – lundi, jeudi, vendredi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 16h – Réservations : www.theatredegennevilliers.fr ou 01 41 32 26 26

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