Théâtre : Le reste vous le connaissez par le cinéma

Présentée en juillet dernier au festival d’Avignon, cette version contemporaine des Phéniciennes d’Euripide, écrite par l’auteur britannique Martin Crimp et mise en scène par Daniel Jeanneteau, est reprise à Gennevilliers. Les figures mythiques de la tragédie des Atrides, Oedipe, Jocaste, Créon, Antigone, Etéocle et Polynice, sont convoquées par un groupe de jeunes filles de Gennevilliers qui vont incarner le chœur des Phéniciennes avec les mots de tous les jours. Adolescentes d’aujourd’hui, pleines de liberté et d’insolence, elles ne se laissent pas impressionner par les héros antiques. Elles observent les humains avec une distance attentive, elles s’introduisent partout, interrogent avec des questions mystérieuses dignes du Sphinx. Elles interpellent sans peur, dans une langue qui navigue entre le trivial et le poétique, la société et les héros de légende qui sortent de l’ombre, jusqu’à Œdipe qui surgit, à la fin, de la cellule où ses fils l’ont enfermé. Ce sont elles qui sont au centre de la tragédie, pointant la somme des erreurs et obligeant les héros à assumer leurs destins catastrophiques.

Théâtre : Le reste vous le connaissez par le cinéma
Théâtre : Le reste vous le connaissez par le cinéma

Les jeunes Gennevilloises proposent des QCM, des énigmes, imposent aux héros avec insolence une certaine distance. Elles assument crânement leur partition aux côtés des acteurs professionnels expérimentés qui incarnent les héros de la tragédie. Dominique Reymond est une Jocaste digne, qui joue les médiatrices dans le souci de réconcilier ses fils dans l’intérêt de Thèbes, Philippe Smith est un Créon qui tente de sauver ce qui peut encore l’être, Solène Arbel fait d’Antigone une gamine excitée par la vue des combats, Quentin Bouissou incarne un Etéocle brutal avec sa mère comme avec les Phéniciennes, arrogant et prêt à tout sacrifier pour le pouvoir. La langue épouse la brutalité de cette tragédie. « J’ai eu les couilles de prendre le pouvoir et j’ai les couilles de le conserver » dit Etéocle. Les chaises et les tables volent quand les deux frères se battent dans le palais avant la grande bataille qui les fera s’entre-tuer. Au milieu de ce déchaînement de violences le metteur en scène Daniel Jeanneteau a introduit un peu d’humour, une jeune fille vêtue d’une peau de mouton vient évoquer le sacrifice aux Dieux avant que très vite la barbarie reprenne le dessus quand le sacrifice humain devra remplacer celui de l’animal.

Grâce à cette langue modernisée, à cette façon d’imaginer un autre rôle pour le chœur, se font entendre les échos de questions éternelles, celles du pouvoir, des traîtrises dont les hommes sont capables pour le gagner et le conserver, de la barbarie enfin dont ils sont capables quand ils en viennent à la guerre.

Micheline Rousselet

Lundi, jeudi, vendredi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 16h. Relâche le mardi et le mercredi

Théâtre de Gennevilliers

41 avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers

Réservations : 01 41 32 26 10

En tournée ensuite : du 7 au 15 février au Théâtre National de Strasbourg, du 10 au 14 mars au Théâtre du Nord à Lille, le 20 mars au Théâtre de Lorient

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