Un comédien à succès qui joue un Président se trouve rattrapé par la réalité. Il accepte d’être candidat, se retrouve élu et s’en tire à peu près bien avec des slogans faciles et son habitude de l’improvisation. Mais vient un moment où il ne suffit plus de répéter des mots : « compétence, expérience, honnêteté ». La lutte contre la corruption n’avance guère. C’est alors que « le grand voisin » décide de passer les frontières. Cette fois il va devoir jouer sérieusement. Ses alliés lui proposent de l’exfiltrer, il refuse. « Il n’a pas besoin d’un taxi mais d’armes ». On passe d’un comédien qui joue un Président à un Président qui ne joue plus, se sert de son expérience de la communication pour résister à l’invasion et obtenir des soutiens internationaux et se met au service de la défense de son pays.

Cela vous rappelle quelque chose ? C’est un peu le problème de ce spectacle qui colle de très près (trop ?) à l’actualité de l’Ukraine et à la personne de son Président, Volodymyr Zelensky. Pourtant il faut souligner la mise en scène habile de Roland Guenoun. Pas de décor, juste une table, une chaise et des malles d’où le comédien sort les éléments dont il a besoin aux différentes étapes de son parcours : drapeau et carte factices, téléphones, dont un à bouton rouge pour ses communications avec les instances internationales. Des bruits de fonds accompagnent les conférences de presse, le Président retourne sa veste pour passer du marine de la fonction à un imprimé de nuages et la quitte enfin pour endosser une tenue militaire, pantalon kaki et gilet pare-balles.

Matila Malliarakis joue avec brio tous les rôles, le Président, son épouse, ceux qui l’interviewent. Il est un acteur qui joue le Président, répétant ses discours comme un comédien, usant de son talent de comédien pour convaincre de la gravité de la situation et emporter le soutien de ses alliés. Il en exprime aussi les doutes et la lassitude dans un grand moment où il porte ses interrogations dans la salle lampe frontale sur la tête.

Faut-il voir dans ce personnage une illustration de la réflexion de Jean Baudrillard : « En politique on est tous dupés et tous complices du mode de mise en scène. Tout le monde joue un double-jeu » ou un homme qui semble avoir fait sienne la phrase qu’avait dite le philosophe Alexandre Kojève à Raymond Barre « La vie humaine est une comédie. Il faut la jouer sérieusement » ?

Micheline Rousselet

Spectacle vu au Théâtre de La Reine Blanche dans le cadre du Phenix Festival à Paris qui présente une sélection de créations théâtrales en avant-première du Festival Off d’Avignon – du 7 au 25 juillet à La Reine Blanche, 16 rue de la Grande Fusterie, 84000 Avignon à 15h– Relâche les 12 et 19 juillet

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