De l’enfance à l’âge adulte un homme, seul en scène, se dévoile, se débat entre les injonctions de la virilité abusive et son désir d’émancipation. Pour tracer son parcours vers ce qu’il est vraiment, un homme homosexuel, il fait appel à ceux qui l’ont accompagné, ou contré, sa mère, ses copains d’école, les commerçants du village, ses ex.s garçons et filles, un prof, son analyste, son père.

C’est le premier seul en scène de Mickaël Délis à la fois dramaturge, comédien, metteur en scène et enseignant à l’université. Son projet était d’offrir un écho au Deuxième sexe de Simone de Beauvoir en déclinant sous le prisme masculin la structure de l’ouvrage. Il souhaitait offrir une réflexion sur la question sans faire œuvre de sociologie ou d’analyse psychanalytique – bien qu’il se soit appuyé sur de solides lectures, de Simone de Beauvoir à Virginie Despentes, de Raphaël Lioger à Olivia Gazalé – mais en parlant de lui avec sensibilité et humour. Il dit « J’ai voulu écrire pour les femmes. Les hommes si habiles à parler des femmes sont incapables de parler d’eux-mêmes »

Il y a d’abord le plaisir d’un texte bien construit, mêlant une approche de l’enfance à l’âge adulte et des portraits de personnes ou de situations qui font avancer la réflexion. Plaisir aussi des phrases qui font mouche « Mon sexe qui ne veut pas de moi », « J’ai l’impression que je suis devenu pédé pour faire plaisir aux autres ». Plaisir enfin de la réflexion qui échappe complètement à la pesanteur du didactisme et du militantisme en faisant vivre avec humour et vivacité ce que les théoriciens étudient dans leurs essais.

Tout commence bien sûr par la mère, indépendante, aimante et dépressive, qui porte des jugements définitifs et mordants sur les hommes. Foulard sur les épaules, cigarette à la main, elle juge l’homme qu’elle avait aimé et tous les hommes en général. Ce foulard sera le seul accessoire de l’acteur, foulard que la mère jette négligemment sur l’épaule, slip du père, bébé que l’on berce. L’acteur est cette mère mais en même temps le petit garçon à ses pieds qui l’aime comme « la plus belle des mamans tristes ». Il glisse avec fluidité d’un personnage à l’autre, du petit garçon à l’adolescent, de la coiffeuse au boucher, du gros macho des vestiaires au psychanalyste puis au père. Ces situations lui permettent de passer de l’évocation de la pression sociale, qui s’exerce sur les garçons leur enjoignant d’être virils, à la délicatesse de l’expérience personnelle avec les filles ou les garçons. Des petits mots que l’on vous dit sans penser à mal « Toi, tu vois, ça se voit pas », il se sort avec humour « je suis super-content, je suis le super-pédé invisible ».

Un spectacle fin, drôle et émouvant pour « se libérer de l’arnaque de la virilité », qui touche les femmes comme les hommes et devrait nous pousser à remettre en question un patriarcat encore trop présent.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 18 juin au Théâtre de la Reine Blanche, 2 bis Passage Ruelle, 75018 Paris – mardi, jeudi et samedi à 19h – Réservations : 01 40 05 06 96 ou www.reineblanche.com

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu