Mitch Hooper, dramaturge et metteur en scène, s’est inspiré librement de l’affaire Romand de 1993, fait divers devenu mythe moderne, pour l’éclairer à sa façon. La pièce s’ouvre sur des éclats de voix et deux coups de feu. Jean, qui se dit publicitaire célèbre, apparaît alors sur scène, fusil en main. Il vient de tuer sa femme et son fils et veut se suicider. Mais son ami Marc arrive bouleversé. Il n’a pas dormi de la nuit, sa femme, Laurence, veut le quitter pour un autre homme. La veille au soir, les deux couples, Jean et Carol, Marc et Laurence, dînaient ensemble pour sceller leurs retrouvailles après des années d’éloignement. En introduisant, par rapport à l’histoire de base, un autre couple ami des Romand, Mitch Hooper s’est intéressé aux relations ambiguës entre les personnages. Marc, romancier raté et professeur de lettres, jalouse la réussite sociale de Jean alors que, quand ils étaient étudiants, Marc était le plus doué. Laurence est séduite par la célébrité et l’aisance matérielle de Jean et veut prendre la place de Carol qui, étudiante, a eu une relation avec Marc. Le mensonge les parcourt tous. Où est l’anormalité, la monstruosité ? Du côté de Jean ou de la société de consommation qui fait disparaître les êtres au profit du paraître les menant à leur destruction qu’elle soit physique ou psychique.

La scénographie de Delphine Brouard mêle le clair et l’obscur, le dit et le non-dit, l’ombre et la lumière. La porte d’entrée monumentale de la maison crée un ambiance de tragédie alors que le mobilier de jardin blanc en pleine lumière révèle les désirs, les fantasmes et les failles des personnages. La toile blanche tendue au-dessus et les deux lampes au sol (projecteurs?) font penser à une scène de tournage. On pense à Hitchcock ou à Chabrol.

Les comédiens sont tous excellents. Anne Coutureau tout en fragilité est une Carol très émouvante. Sophie Vonlanthen campe une Laurence calculatrice, manipulatrice et opportuniste. Anatole de Bodinat est un être blessé et malheureux. Quant à Julien Muller, il donne à son personnage toute son ambiguïté : condescendant vis à vis de Marc, sûr de lui et finalement entraîné dans sa chute par l’accumulation de ses mensonges envers les autres et lui-même.

Un beau texte servi par une mise en scène efficace et des acteurs remarquables.

Frédérique Moujart

Jusqu’au 15 octobre les jeudis, vendredis et samedis à 21h et les dimanches à 17h. – Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, Paris 18ème- Réservation : 01 42 33 42 03 ou manufacturedesabbesses.com


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