Pascal Amoyel retrouve un jour, dans une partition, une enveloppe adressée au 16 rue Ampère. Il y a habité et, par un effet du hasard Cziffra aussi, des années auparavant. Il se souvient alors de ce que lui avait dit la concierge de l’immeuble quand il y habitait « C’est peut-être ton destin ». Avec l’audace de ses treize ans il alla auditionner chez le maître qui avait une fondation à Senlis destinée aux jeunes musiciens. Il osa jouer une de ses compositions. Elle toucha le musicien qui l’encouragea et le fit même travailler ensuite en privé.

Cziffra a été l’un des plus grands pianistes du vingtième siècle, adulé au point que certains l’appelaient « réincarnation de Frantz Liszt ». Pourtant sa vie ne fut pas toujours facile et elle a épousé tous les tourments de l’histoire du XXème siècle. Au départ la misère à Budapest avec un père cymbaliste de bar, puis l’embauche à cinq ans comme musicien de cirque. Repéré par un spectateur il est envoyé à l’École Frantz Liszt de Budapest mais, habillé comme un gueux, il n’arrive que de justesse à passer l’audition. Il a neuf ans mais est accepté. Avec l’arrivée de la guerre il se retrouve ballotté, des rangs de l’armée hongroise alliée à l’Allemagne nazie, à ceux des Russes. La paix revenue il devient à Budapest pianiste de jazz dans des bars, où on le présentait comme « le pianiste aux 50 doigts ». Arrêté lors d’une tentative pour passer à l’Ouest, condamné à des années de camp disciplinaire où il soulève des blocs de pierre qui lui rompent le dos et les articulations, son talent est finalement reconnu après sa libération. Il donne des concerts et finira par fuir à l’Ouest, où il démarrera une grande carrière internationale.

Imbriquant récit et musique, Pascal Amoyel livre un spectacle brillant et émouvant d’hommage à celui qui fut son maître. Prenant les attitudes du grand concertiste pour jouer Liszt – en particulier la seconde rhapsodie hongroise – ou Chopin, il s’adapte à la scie musicale quand la guerre prive celui-ci de piano, se lance dans ce qu’il appelle ses acrobaties avec Le vol du bourdon de Rimsky-Korsakov et n’oublie pas des bribes de standard de jazz ou Gerschwin que Cziffra jouait dans les bars de Budapest. C’est vivant, rythmé et on sent la tendresse de l’élève pour celui qui fut son maître. C’est bouleversant et superbe.

Micheline Rousselet

A partir du 28 septembre au Théâtre Montparnasse, 31 rue de la Gaîté, 75014 Paris – jeudi et vendredi à 19h, samedi à 15h30, dimanche à 18h – réservations : 01 43 22 77 74 ou www.theatremontparnasse.com

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